MBEUBEUSS, FONCIERÈMENT AGRESSÉE JUSQUE DANS SON MILIEU NATUREL

22 - Janvier - 2020

Pourquoi le président Macky Sall ne doit pas céder à la…pression

Implantée à Yarakh bien avant l’indépendance, la décharge publique de la capitale avait finalement été délocalisée à 30 kilomètres de Dakar, précisément à Mbeubeuss, suite à l’agrandissement de la ville. C’était en 1968. Hélas, en plus de 50 ans, cette extension de la métropole a atteint Mbeubeuss et la décharge se voit une nouvelle fois sommer de déménager, voire déguerpir, pour aller très loin de la capitale ! . Non contents d’avoir construit aux abords de la décharge, les riverains tentent encore de la faire dégager. Alors que, normalement, c’est eux qui auraient dû aller voir ailleurs. « Le Témoin » pose le débat…

« Mbeubeuss dégage »! Pourtant, ce sont ceux qui hurlent ce slogan qui aurait dû dégager. a tout le moins, ils n’auraient jamais dû habiter aux abords de cette gigantesque décharge. Hélas durant 50 ans, des courtiers, des spéculateurs et des opérateurs immobiliers sans droit ni titre sont allés agresser la décharge publique de Mbeubeuss jusque dans son milieu naturel. implantée à Yarakh (Dakar) bien avant l’indépendance, la décharge publique d’ordures ménagères avait été victime d’un premier revers suite à l’ « éclatement » d’une bombe démographique qui l’avait contrainte de se refugier à 30 km de Dakar : Malika ! Ce, dans une sorte de cuvette voire de « mare aux crocodiles » qui s’étend sur plus de 75 ha et nommée Mbeubeuss . Dans l’exposé des motifs d’un projet de loi (1967) créant cette décharge publique, le législateur avait justifié le choix de la zone d’accueil en ces termes : « Située à Malika, cette nouvelle décharge publique d’ordures est un ancien lac asséché et sur les flancs de la grande dépression humide des Niayes, la principale zone maraîchère au Sénégal. Le site n’a fait l’objet d’aucun aménagement préalable puisqu’il est destiné à accueillir l’ensemble des déchets ménagers et industriels de la région de Dakar » lit-on. Vous constatez bien avec nous que Mbeubeuss et ses flancs (abords) n’étaient alors, c’est-à-dire en 1967, qu’un environnement sauvage inhospitalier pour l’être humain.

Un pied dans les poubelles !

Plus de 50 ans après son ouverture (1968) dans cette zone non aedificandi, la décharge de Mbeubeuss souffre de l’attaque et de la persécution d’un grand banditisme foncier. Jusqu’aux années 80, la décharge était très éloignée des villages traditionnels comme Malika, Keur Massar et Yeumbeul. Selon le vieux o. Ka, notable à Malika, la décharge de Mbeubeuss était si éloignée du village qu’il y avait une zone tampon désertique à perte de vue. « Le daara de Malika construit en 1978 était l’un des rares bâtiments que l’on voyait dans cette zone. C’était avec l’appui du président Senghor que cette maison d’accueil pour talibés mendiants avait été construite. en dehors du daara de Malika, il y avait quelques vergers et poulaillers éloignés de la décharge. Mais aujourd’hui, les gens, non contents de venir construire et habiter aux abords de la décharge, habitent dans la décharge même parfois ! de manière anarchique, sans droit, ni titre. et ce sont ces gens-là qui manifestent leur colère contre la décharge de Mbeubeuss ! La même chose s’est produite à la plage de Malika où les squatteurs fonciers ont chassé les soldats du bataillon des parachutistes de leur propre champ de tir » déplore « Vieux » Ka. Notre octogénaire a raison puisque des maisons sont construites aux abords directs de Mbeubeuss, presque un pied dans les poubelles pour ne pas dire « un pied dans l’eau ». Néanmoins, plaide notre sage de Malika, l’état doit trouver une solution pour les populations riveraines puisque Mbeubeuss est devenu un problème de santé publique. allez faire un pèlerinage écologique au « pays » des ordures ! Tout visiteur s’aventurant sur les lieux peut constater en effet que les pouvoirs publics ont laissé pourrir la situation pour avoir longtemps fermé les yeux sur les constructions anarchiques et les occupations illégales de cette zone très hostile pour l’être humain. il est vrai que la région de Dakar s’est vite agrandie.

Les départements et les communes se sont multipliés. Les quartiers périphériques n’ont cessé de s’agrandir alors que d’autres sont nés sous la pression démographique et l’exode rural. Lequel s’est aggravé avec les années de sécheresse. a cela s’ajoute la flambée des loyers qui ont fini par pousser les « goorgorlous » à transformer les zones agricoles en lieux d’habitation. tout simplement parce que la politique de logement social et l’accès au foncier viabilisé n’ont jamais été une préoccupation majeure pour les régimes précédents (Senghor et Diouf). Pour tout cela, le coût et l’accessibilité à un habitat décent constituent un éternel défi que de nombreux groupes peinent à relever. Il en résulte alors des courses de masse effrénées vers les terrains libres, fussent-ils des fleuves asséchés ou dormants. Là, on peut au moins comprendre et tolérer pour des raisons d’ordre social et humanitaire. Seulement, peut-on admettre ou concevoir que des gens aillent ériger des habitations dans des ravins et montagnes de déchets comme l’immense décharge publique de Mbeubeuss ? et pire dans un environnement où ils sont exposés aux polluants toxiques et endémiques tels que l’eau impropre des nappes phréatiques, l’air atmosphérique pollué, les fumées d’incinération des ordures et des déchets industriels etc. Pour dire que les riverains de Mbeubeuss vivent au mépris des règles d’urbanisme et d’hygiène les plus élémentaires !

Récupérateurs et ferrailleurs sonnent la résistance !

Quand l’anarchie devient la règle, les vagues de contestation populaire se retournent contre l’état. A preuve par les riverains réunis au sein du collectif « Mbeubeuss dégage » et qui réclament la fermeture de la décharge publique. Mieux, ils dénoncent les conséquences sur leur santé de la pollution occasionnée par la décharge ! « Ce dépotoir n’a qu’à dégager de notre environnement. Mbeubeuss, ça va, ça suffit ! » S’est étranglé Mamadou Fall, coordonnateur du collectif des riverains lors de leur dernier rassemblement sur le site où ils ont tenté d’empêcher l’accès des camions-bennes. « Cette décharge est une bombe écologique. Nous ne pouvons plus vivre avec elle décharge et demandons sa délocalisation » a sommé un certain M. Touré dont la maison se trouve à quelques mètres des ordures et des déchets. « Les membres de ma famille ont des problèmes pulmonaires sans oublier les autres asthmatiques à cause des effets polluants de cette décharge à ciel ouvert » s’est-il plaint. Pendant ce temps, récupérateurs et recycleurs jouent aux arbitres bien que s’opposant à la délocalisation du site où ils s’activent pour gagner leur pain. du matin ou crépuscule, ils fouillent dans les ordures en compagnie de leurs familles pour y récupérer des déchets de métaux, du plastique, des verres, du bois, des objets encore utilisables jetés par les ménages aisés etc. « non, Mbeubeuss ne dégage pas et ne doit pas dégager ! Car, cette plateforme d’ordures constitue notre lieu de travail. J’ai fait 22 ans dans cette zone à ordures dont les activités m’ont permis de construire ma maison à Bambey. Donc, délocaliser Mbeubeuss serait une erreur ! » a tonné M. Gueye joint au téléphone par le biais d’un camionneur benne. Toutes choses qui font qu’on se demande qui, des riverains ou des ordures, devrait dégager de la zone? Selon nous, ce sont les populations riveraines qui devraient être sommées de vider les lieux pour s’être rapprochées irrégulièrement de Mbeubeuss. Seulement voilà, il s’agit d’une question de santé publique et d’humanisme pour ces nombreux pères et mères de famille et leur progéniture vivant dans la zone.

Dans l’impossibilité de dégager ces gens pour toutes sortes de raisons dont celles énumérées ci-dessus, l’état devra trouver une solution rapide et durable en accélérant le processus de modernisation ou d’industrialisation de la décharge. Car, ailleurs dans le monde, notamment dans tous les pays développés, les ordures ménagères ne sont plus considérées comme des déchets et autres matériaux sans valeur, mais plutôt comme des ressources voire des matières premières à valoriser pour en tirer des bénéfices économiques et sanitaires. Voire pour produire de l’énergie. Car fermer Mbeubeuss et la déplacer, c’est combler de bonheur les autres et provoquer le malheur des uns. or qui dit fermeture, doit forcément envisager ouverture !

Et une nouvelle décharge publique d’ordures ne pourrait être ouverte que dans une autre localité, un autre quartier, un autre site proche de Dakar compte tenu de la nécessaire rotation des camions-bennes devant évacuer les déchets de la capitale. et on voit mal comment, avec la sensibilité actuelle aux problèmes d’environnement, comment des populations d’autres localités pourraient accepter d’accueillir chez elles une décharge aux effets réellement toxiques qui va s’étendre sur des dizaines, voire des centaines, d’hectares ?

Quand le ministre Abdou Karim Fofana se rétracte…

Ce qui est le plus grave c’est que, au lieu de faire régner l’ordre écologique à Mbeubeuss victime d’une agression foncière sans précédent, M. Abdou Karim Fofana, ministre de l’urbanisme, du Logement et de l’hygiène publique avait cédé dans un premier temps sous la pression des riverains lors de son passage le 18 décembre 2019 devant le haut Conseil des Collectivités territoriales. « La décharge de Mbeubeuss sera bientôt fermée » avait-il annoncé. et un mois après, le ministre s’est rétracté dans les colonnes de notre confrère Libération : « Mbeubeuss ne sera pas fermée ! Car, il n’est jamais question de délocalisation du fait que l’état du Sénégal est en train de mettre un programme de modernisation, de restructuration, de valorisation et de gestion des déchets » avait-il rassuré pour calmer le collectif « Mbeubeuss dégage ! ».

Seulement, notre ministre aurait dû demander aux riverains comment se sont-ils retrouvés aux abords des ordures jusqu’à y construire des habitations. Dommage que, pour des calculs politiques et raisons électoralistes, l’état ait une nouvelle fois reculé devant une « résistance » populaire. Cette anarchie foncière à la « Mbeubeuss » est constatée également au village de Ngor où de richissimes particuliers ont « repoussé » la mer avant d’ériger des villas sur des remblais. et s’ils sont victimes, demain, des effets dévastateurs d’une houle (nous ne le souhaitons pas !), ces nouveaux riches ayant « deux pieds dans l’eau » vont-ils se retourner eux aussi contre l’état pour demander la « délocalisation » de la mer ? en tout cas, de multiples raisons militent pour que le gouvernement du président Macky Sall ne cède pas sous la pression de « Mbeubeuss dégage » tout en trouvant une solution écologiquement et « sanitairement » acceptable pour le bien-être des riverains !

Le Témoin

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