Pour sa soeur, Adama Traoré, «c'est d'abord une victime»

19 - Juillet - 2017

Un an après la mort d'Adama Traoré, 24 ans, au cours d'une interpellation à Beaumont-sur-Oise, dans le Val-d'Oise, sa soeur se confie. L'enquête sur les circonstance de ce décès se poursuit.

Le 19 juillet 2016, Adama Traoré, 24 ans, décédait dans la cour de la gendarmerie de Persan (Val-d’Oise), peu de temps après son arrestation. Un an plus tard, une expertise - la 4e dans ce dossier - confirme la mort du jeune homme par asphyxie, reliée à des fragilités de santé antérieures, mais sans résoudre l’inconnue : a-t-elle été provoquée par l’interpellation des gendarmes?
Ses proches sont convaincus qu’il a succombé à une «bavure». «On se trouvait à trois dessus pour le maîtriser», a expliqué un des gendarmes avant de préciser que lui et ses collègues avaient agi «avec la force strictement nécessaire à son immobilisation».

Avant de procéder à l’audition des gendarmes, les trois juges devraient diligenter une synthèse à partir de toutes les expertises déjà effectuées.

Une autre interrogation porte sur les secours prodigués à la victime. Selon nos informations, une nouvelle retranscription des enregistrements entre les pompiers et le Samu montre une mauvaise transmission d’informations par les gendarmes sur l’état de santé du jeune homme. Un an après la mort de son frère, Assa Traoré, veut continuer son combat pour faire «entendre la vérité».

C’est l’anniversaire de la mort de votre frère. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Assa Traoré. La tristesse est toujours là. On nous a volé notre frère. Mais nous sommes dans le combat. Il a fallu un an de lutte pour faire entendre la justice. Visiblement, ce n’est pas un droit qui nous est dû. Nous avons pris des coups mais au bout d’un an, le combat paie. Nous avons obtenu le dépaysement de l’enquête et de nouveaux actes judiciaires. La dernière expertise montre que notre frère est mort suite à une asphyxie.

«Le procureur de la République avait communiqué à tort sur une "infection très grave"»

En fait, l’expertise dont vous parlez conclut à une asphyxie que les médecins relient à des fragilités de santé antérieures déclenchée «à l’occasion d’un épisode d’effort et de stress»
Les experts parlent d’anomalies, pas de pathologie cardiaque, les mots sont très importants. Dans cette affaire, nous partons de très loin. La première expertise mentionnait des «lésions d’allure infectieuse», ce que toutes les expertises suivantes ont démenti. Le procureur de la République avait communiqué à tort sur une «infection très grave» et caché l’asphyxie. Récemment, nous avons rencontré la juge. Nous lui avons demandé l’audition des gendarmes et leurs mises en examen. Nous espérons qu’ils ne resteront pas dans l’impunité.
Notre avocat, Me Yassine Bouzrou, avait demandé une retranscription plus précise des enregistrements des appels au Smur car nous n’avions que des bribes. Désormais, ceux-ci montrent que les gendarmes n’ont pas donné les bonnes informations aux pompiers et au Smur pour qu’ils puissent intervenir dans les temps et sauver Adama. Mon frère a été conduit à la gendarmerie plutôt qu’à l’hôpital. Les gendarmes ont parlé de simple malaise aux pompiers. Du coup, les secours ne sont pas venus avec le matériel adéquat. Quelle légèreté ! Les gendarmes n’indiquent même pas aux pompiers que mon frère se trouve chez eux. Du coup, les secours vont chercher et perdre du temps à pénétrer dans la gendarmerie. Ils «oublient» aussi de dire aux pompiers que mon frère s’est uriné dessus, qu’il pique du nez. Plus tard ils «oublieront» même de nous avertir de sa mort.

Quand on lit votre ouvrage*, on a l’impression que votre combat dépasse aujourd’hui la mort de votre frère…
Ce livre, je l’ai d’abord écrit pour rétablir l’honneur de mon frère. Les autorités se sont empressées d’écrire l’histoire d’Adama : il était malade, drogué, alcoolique, délinquant… Pour moi, c’est d’abord une victime. Victime de la violence des gendarmes, victime de la violence d’un système. La seule qui mérite d’être dénoncée, celle d’une société qui discrimine, criminalise les jeunes des quartiers populaires. C’est ce système qu’il faut casser.

* «Lettre à Adama», d’Assa Traoré avec Elsa Vigoureux (Seuil).
leparisien.fr

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