Algérie-Mali: jusqu'où ira l'affrontement suscité par le drone abattu à Tinzaouatène?

08 - Avril - 2025

Depuis la destruction d'un drone malien par l'Algérie à Tinzaouatène, à la frontière entre les deux pays, dans la nuit du lundi 31 mars au mardi 1er avril, le ton ne cesse de monter. Lundi 7 avril, l'Algérie a répondu au Mali et à ses alliés nigériens et burkinabè de l'Alliance des États du Sahel (AES), qui s'étaient fendu dimanche soir, le 6 avril, de communiqués très virulents, affirmant que le drone malien n'était jamais entré sur le territoire algérien et accusant Alger d'être un « exportateur de terrorisme ». Aujourd'hui, c'est Alger qui réplique sur le même ton, dénonçant les « allégations mensongères » servant de « dérivatifs à l'échec » du « projet putschiste » malien. Alger et Bamako se ferment mutuellement leur espace aérien respectif. Le conflit monte en intensité mais sans dimension militaire à ce stade.

On ne peut pas encore mesurer l'étendue des dégâts imputables à ce drone, mais une chose est sûre : il est plus dévastateur depuis qu'il a été abattu que lorsqu'il était opérationnel. Dans son communiqué, le ministère algérien des Affaires étrangères estime que l'Algérie sert de « bouc émissaire » à la « clique inconstitutionnelle » au pouvoir au Mali , pour masquer son « échec patent à tous les niveaux, politique, économique et sécuritaire ». Alger pointe encore « l'incapacité des putschistes à assumer la lutte antiterroriste réelle et effective », et fait référence au recrutement du groupe russe Wagner .

« À minuit huit minutes sur 1,6 kilomètres »
Apparemment outragée et exceptionnellement virulente, l'Algérie apporte aussi de nouveaux éléments précis sur le fameux drone de la discorde. Bamako assure, dans son communiqué du dimanche 6 avril, que les « données précises de la trajectoire de l'appareil, enregistrées dans le système » prouvent « avec une certitude absolue » que le drone « n'a jamais quitté l'espace aérien » du Mali.

Alger répond que « ​​​​​​​toutes les données du ministère algérien de la Défense », « ​​​​​​​y compris les images du radar », établissent « ​​​​​​​une violation de l'espace aérien de l'Algérie », précisément à « ​​​​​​​minuit huit minutes sur une distance de 1,6 kilomètre ». Selon Alger, le drone se serait ensuite éloigné avant de revenir « ​​​​​​​en prenant une trajectoire offensive », d'où sa destruction. Alger va même plus loin, assurant que ce n'est pas la première, mais la troisième fois qu'un drone malien entrait en Algérie. Ces précédentes incursions seraient survenues, selon Alger, les 27 août et 29 décembre 2024.

L'Algérie et le Mali affirment donc, avec la même force, disposer de données techniques incontestables sur l'itinéraire du drone. Mais aucun des deux n'a choisi de les rendre publiques, de sorte que les observateurs – et a fortiori les citoyens de ces deux pays – en sont réduits à choisir leur camp ou à rester dans le doute.

Alger ferme son espace aérien
Ce lundi 7 avril dans l'après-midi, le ministère algérien de la Défense a annoncé la fermeture de son espace aérien à tous les appareils « ​​​​​​​en provenance ou à destination de l'État malien » à partir de ce jour, sans préciser davantage, ce qui implique que les vols civils commerciaux des compagnies internationales sont également concernés. Dans la foulée, le Mali a annoncé, lundi dans la soirée, la fermeture de son propre espace aérien « ​​​​​​​à tous les aéronefs civils et militaires en partance ou à destination de l'Algérie ».

La fermeture de l'espace aérien algérien ne s'applique pas, en revanche, aux alliés du Mali que sont le Niger et le Burkina Faso . En réponse au communiqué conjoint des pays de l'Alliance des États du Sahel (AES), Alger déplore pourtant « ​​​​​​​l'alignement inconsidéré du Niger et du Burkina Faso sur les thèses fallacieuses » présentées par le Mali. Par « réciprocité », Alger rappelle donc « ​​​​​​​pour consultation » ses ambassadeurs au Mali et au Niger et décide de « ​​​​​​​différer la prise de fonction de son nouvel ambassadeur au Burkina Faso ». Les trois pays de l'AES avaient annoncé hier, dimanche 6 avril, le rappel de leurs propres ambassadeurs en poste en Algérie.

Les autorités maliennes de transition étaient, de leur côté, allées encore plus loin en convoquant l'ambassadeur algérien à Bamako « ​​​​​​​pour protester contre l'hostilité du régime algérien », en se retirant du Cemoc (Comité d'État major conjoint, qui rassemble l'Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger), et en annonçant une plainte à venir « ​​​​​​​devant les instances internationales » – sans préciser lesquelles à ce stade – « pour actes d'agression ». Dimanche, Bamako avait notamment accusé Alger de « ​​​​​​​parrainer le terrorisme international », jugé « absurde » l'argument de la violation de son espace aérien et dénoncé « ​​​​​​​un acte d'agression inédit dans l'histoire des relations entre le Mali et l'Algérie ».

« ​​​​​​​À bon entendeur, tant pis ​​​​​​​! »
« Pour chaque balle tirée contre nous, nous réagirons par réciprocité. À bon entendeur, tant pis ! », avertissait Abdoulaye Maïga, alors colonel et porte-parole du gouvernement malien de transition, devant l'Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2024. Un mois avant d'être promu général et deux mois avant d'être nommé Premier ministre, Aboulaye Maïga s'en prenait déjà à l'Algérie, qu'il accusait « ​​​​​​​d’offrir le gîte et le couvert » à « ​​​​​​​des terroristes en débandade ». S'agissant du drone malien abattu par l'armée algérienne à Tinzaouatène, la menace de réciprocité n'a pas été mise à exécution.

Ces derniers jours, les propos échangés sont plus violents que jamais et, avec les fermetures mutuelles des espaces aériens, le conflit, jusqu'alors strictement verbal et diplomatique, monte concrètement en intensité. Mais si l'avenir reste imprévisible, les différents observateurs sahéliens et algériens joints par RFI ne croient pas qu'il puisse prendre une dimension militaire. La supériorité, en tout cas supposée, de l'armée algérienne, est un argument largement partagé. Le partenariat des deux pays avec la Russie, alliée de l'Algérie comme du Mali, et qui ne verrait pas d'un bon œil une confrontation directe, est également cité comme pouvant limiter les velléités belliqueuses.

Retenue dans l'escalade
Les analystes décryptent les formules agressives – et parfois savoureuses – employées par les deux camps, mais relèvent unanimement une forme de retenue dans l'escalade : le Mali quitte le Cemoc ? Ce comité d'état-major conjoint, créé en 2010 sous l'égide de l'Algérie et qui compte également la Mauritanie et le Niger, est unanimement décrit comme « une coquille vide » qui, en dehors de réunions, n'a jamais été effectif sur le plan opérationnel. Une plainte devant les instances internationales ? Pas de quoi faire davantage frémir Alger.

« ​​​​​​​Je ne m'attendais pas à une réponse militaire, pose d'emblée un chercheur spécialiste de la zone, mais même dans le registre des réponses diplomatiques, on a connu plus dur. » Cette source, qui juge la réaction de Bamako « mesurée », estime cependant que les autorités maliennes de transition gardent des munitions sous le coude : rupture diplomatique, reconnaissance du Sahara occidental marocain, par exemples. « Le feuilleton n'est pas terminé », prédit encore le chercheur. Qui s'exprimait quelques heures avant qu'Alger et Bamako ne se ferment mutuellement leur espace aérien.

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