Impacts de l’accord sino-américain sur l’économie mondiale et africaine(Par Cheikh Mbacké SENE)
L’accord économique et commercial de phase 1 signé mercredi dernier à Washington entre la Chine et les Etats-Unis pourra permettre à l’Afrique de récupérer au moins le point de croissance qui l’échappe depuis 2016. Même si cet accord ne résout les problèmes structurels que connaissent les deux premières puissances, elle contribuera à la stabilisation des rapports, renforcera le climat de confiance et conditionnera les performances économiques mondiales en générale et africaines en particulier. Continent encore dépendant qui plus ou moins « souffre » des imposantes interconnexions commerciales avec la Chine, des fluctuations inquiétantes du cours du baril et de la chute du dollar, l’Afrique peine à atteindre cette croissance de 4.0 et 4,2% qu’on lui prédit depuis 2016. Elle pourrait trouver le salut en cet accord.
Dans la mesure où le premier impact de cet accord sera psychologique, ce sont les marchés financiers qui seront les premiers à réagir par des performances qui peuvent aller en crescendo jusqu’à – pourquoi pas – une stabilisation de performances relativement notables. Ce qui aura un impact direct dans les investissements et dans le climat des affaires à l’échelle planétaire. La stabilisation des performances des places financières sera inhérente à celles du cours du baril et du dollar. Et il ne faudra pas perdre de vue les déficiences monétaires sur le rapport du trio EURO-DOLLAR-YUAN. Surtout que cet accord, en sa phase 1 est un début de résolution de la problématique commerciale (douanière…), qui ne résout pas pour autant les déficiences majeures du système monétaire international et encore moins la problématique de la demande d’actifs sûrs sur le marché international. Après tout dépendra de la lecture des marchés financiers dont les attitudes conditionneront les investissements et échanges commerciaux dans le courant de l’année. Dans les prochaines phases de l’accord, la question sensible du système monétaire international pourrait parce que le déséquilibre dans l’appréciation du Yuan face au Dollar semble handicapant pour une Chine qui est partout et qui veut être le n°1 mondial dans toutes grandes technologies de la future. L’accord a été possible grâce à la « déconcertation » avec laquelle la Chine a abordé les négociations laissant du lest sur certains points avec al conscience ferme que cela n’entravera en rien sa politique commerciale internationale.
« Les tensions mondiales trop lourdes pour proroger le ralentissement conjoncturel »
Les prévisions économiques mondiales pour 2019 prévalent toujours pour 2020, maintenues dans le registre de la prudence par un contexte géo-politico-financier international instable. Entre le marteau et l’enclume de la guerre commerciale sino-américaines et du conflit géopolitique avec l’Iran qui ne connaissent pas encore leur épilogue, tenaillés sur les côtés par les fluctuations inquiétantes du cours du baril et la chute du dollar, l’économie mondiale ne sait pas encore à quel saint se vouer pour 2020. Ces tensions mondiales ont pesé dans croissance mondiale et africaine. Les tensions entre l’Iran et les Etats Unis, si elles persistent, complexifient la situation économique internationale 2020. Et quid de l’impact du Brexit « acté » le 09 janvier 2019 par le parlement britannique, validant la proposition de sortie britannique de l’UE par Boris Johnson.
L’année 2019 s’est terminée avec la baisse des stocks américains, laquelle avait fait grimper dans la foulée les cours du pétrole, au plus haut niveau depuis septembre. L’euro a terminé l’année en progression face à un dollar affaibli notamment par l’apaisement des tensions commerciales précitées et dans un marché favorable au risque. Le dollar index, qui mesure la valeur du billet vert face à un panier de grandes devises, aura finalement perdu 2,8% depuis son plus haut de l’année.
Une économie mondiale « aux bottes » des conflits des Etats Unis.
Les deux premières puissances mondiales se sont livrées à une guerre commerciale qui a pris en otage l’économie mondiale et plombé les performances des pays les plus dépendants de l’extérieur. Les États-Unis avaient lancé une guerre commerciale contre Pékin il y a un an et demi, accusant la Chine de pratiques commerciales inéquitables. En voulant faire une pierre deux coups (résoudre sa problématique du déficit commercial et sanctionner commercialement la Chine), les Etats Unis auront finalement pris en étale l’Economie mondiale. L’accord préliminaire entre les Etats-Unis et la Chine qui devrait aboutir à un accord « durable » durant ce mois de janvier 2020, ne rassure pas encore pleinement les investisseurs. Surtout avec un Donald Trump aux humeurs changeantes et fragilisé en interne. Cet accord commercial de « phase 1 » devra aboutir à une baisse des droits de douane et à une augmentation des achats par la Chine de produits agricoles, énergétiques et manufacturés américains tout en s’attaquant à certains litiges autour de la propriété intellectuelle. Les tensions bilatérales ayant eu, deux ans durant, un impact négatif assez profond dans les plus grandes places financières internationales et dans l’économie mondiales. Le dollar, qui est considéré comme une valeur refuge, est aussi connu pour s’apprécier lors de périodes d’incertitudes politiques et économiques, et pour souffrir lorsque les tensions commerciales sino-américaines s’apaisent. Tous ces faits constituent un cocktail explosif qui ne laisse aucune économie indemne. Et le chapitre semble n’a pas pu se refermer avec l’année 2019.
L’Afrique a les moyens de faire de la résistance
Si la croissance mondiale a enregistré une croissance de 2,4%, celle de l’Afrique s’est établie à 3% en 2019, année au cours de laquelle elle a connu sa pire performance depuis la crise financière de 2008. Et les perspectives 2020 font état d’une reprise timide et fragile, s’établissant à 2,5% de croissance. Toutefois, l’Afrique s’en sorte bien. Ses régions économiques et monétaires ont réalisé des performances de fortunes diverses. En effet, les pays de la zone CFA ont enregistré une croissance moyenne de 4,6% en 2019, en hausse par rapport aux 4,2% de l’année 2018 (Selon le rapport de la Banque mondiale sur les perspectives économiques mondiales.). En 2019, les pays de l’espace UEMOA ont enregistré une croissance économique de 6,4%, contre seulement 2,3% pour les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). En Afrique centrale, la récession économique de la Guinée équatoriale (- 4,3%) a atténué l’élan de croissance du Cameroun (4%), du Tchad (3%) et du Gabon (2,9%). Pour 2020, l’institution de Bretton Woods s’attend à une croissance de l’ordre de 5,1% pour la zone CFA, soutenue par celle de l’UEMOA qui devrait se maintenir à 6,4%, tandis que la Cemac devrait voir son économie s’accélérer à 3,4%. Notons qu’en Afrique de l’Ouest, cette croissance 2020 devra être portée par les bonnes performances des économies ivoirienne (7%), béninoise et sénégalaise, entre autres (6,8%).
Les conditions et espoirs d’une reprise internationale en 2020
La croissance du commerce international pourrait cependant monter à 1,9 % en 2020, contre 1,4 % en 2019. Mais pour espérer une relance économique convenable, il n’y a pas trente-six milles solutions, mais au moins que quelques conditions soient remplies.
Premièrement, il faut que la Chine et les Etats Unis parviennent à un accord durable ou au moins une trêve commerciale et que la désescalade du conflit avec l’Iran soit une réalité durable. Peu importe les conditions de l’accord préliminaire entre la Chine et les Etats Unis, pourvu que les investisseurs et acteurs du commerce international sachent à quel saint se vouer sur le moyens et long termes. Rappelant au passage que les négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine ont été à sens unique. Il y’a ce que Washington exige et ce que Pékin peut lâcher comme l’est comme la guerre des droits de douane lance dans le but de forcer la Chine à revoir son modèle économique dominant. Avec des stocks à des niveaux record et une trêve commerciale imminente, les perspectives pour la demande mondiale en pétrole monteront.
Deuxièmement, il faut une stabilisation des cours du baril du pétrole dans les deux références mondiales. Ce qui sera encore difficile avec les tensions géo-politico-militaires dans les pays du Golfe (sécurisation des installations pétrolières…). Le baril de Brent pour livraison en février avait terminé l’année dans une progression de 1,07% pour s’établir à 67,92 dollars, quand le WTI texan pour même échéance (du 31/12/2019) s’est adjugé 0,93% à 61,68 dollars. Des niveaux que les deux références mondiales de pétrole brut n’avaient plus atteints depuis mi-septembre dernier et l’envolée de 15% en une séance après l’attaque d’installations pétrolières saoudiennes par des drones yéménites. Avec des stocks à des niveaux record et une trêve commerciale imminente, les perspectives pour la demande mondiale en pétrole vont continuer de monter
Troisièmement, arriver à une certaine optimisation dans le rapport EUR/USD pour des rapports commerciaux plus ou moins équilibrés. En attendant, on peut spéculer sur les scénarii en anticipant ou en interprétant chaque agissement et chaque dé avancé par les grandes puissances qui conditionnent l’économie mondiale pour ne pas dire africaine.
Cheikh Mbacké SENE
Expert en Veilles & Intelligence économique
Président du Forum Economique Gérescence « FEG Dakar »