Pratiques judiciaires non respectueuses des droits humains : la Raddho et Cie attaquent la politique pénale

19 - Janvier - 2024

Alors que le Sénégal sera, ce lundi 22 janvier 2024, devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève (Suisse), pour l’Examen périodique universel (EPU) de la situation des droits humains dans notre pays, des organisations de la société civile ont tenu une rencontre hier, jeudi 18 janvier, sur «La place des droits de l’homme dans la politique pénale» sénégalaise. Les panélistes ont tous déploré des manquements qui ne concourent pas à faire respecter les droits de l’homme au Sénégal.

Le système pénal sénégalais regorge d’incongruités qui portent atteinte aux droits humains. Les panélistes de l’atelier organisé par la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) et d’autres organisations de la société civile comme le mouvement «Y en a marre» et la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh), sur le thème, «La place des droits humains dans la politique pénale du Sénégal», ont énuméré plusieurs manquements qui ne garantissent pas un bon exercice du droit.

Me Moussa Sarr, se basant sur des dossiers de manifestants qu’il a défendus, ces des deux (2) dernières années, a estimé que le Sénégal n’a pas de politique pénale. En attestent, dit-il, «les affaires de ses clients traitées de façon différente, dépendant qu’elles soient du ressort des tribunaux de la capitale ou des régions». Me Moussa Sarr limite (la vitalité de) la démocratie sénégalaise aux concertations politiques. Il déplore des leaders qui ne sont pas ouverts à la contradiction. Cette situation cause, selon lui, l’arrestation de nombreux Sénégalais poursuivis pour avoir donné leur avis. Ce qui est, estime-t-il, «inacceptable dans un pays démocratique».

LES PRISONS SENEGALAISES SURPEUPLEES A 250%, AVEC 50% DE PRISONNIERS EN ATTENTE DU JUGEMENT

Depuis deux (2) ans, Me Moussa Sarr dit constater une vague d’arrestations et de détentions qui sont en majorité sans jugement. L’avocat annonce que 50% de la population carcérale sont constitués d’emprisonnés en attente du jugement. La conséquence est que, continue-t-il, les prisons sénégalaises sont surpeuplées à 250%. Dans ses griefs, la robe noire note, par ailleurs, des qualifications pénales qui ne sont pas une résultante des faits. Pour Me Moussa Sarr, «le Parquet procède à des qualifications abusives, sur la base d’articles de la loi, pour procéder au mandat de dépôt».

Dans ses constats, l’avocat dit aussi que «depuis 2021, l’essentiel des personnes arrêtées le sont en situation de flagrance. Et, au lieu d’être jugé en flagrant délit, ils sont envoyés en instruction». Cette situation est à l’origine d’une détention arbitraire. «Aujourd’hui, beaucoup de dossiers sont clôturés, envoyés au Parquet pour enrôlement. Mais il n’existe aucun texte qui oblige le Parquet à enrôler dans un délai bien déterminé ; ce qui signifie que des dossiers sont au Parquet depuis plusieurs mois, sans enrôlement». Changer la donne revient, à son avis, à engager des réformes du système judiciaires notamment par la création d’un juge des libertés et supprimer les articles liberticides comme celui qui impose au détenu libéré de rester en prison avant un appel du Parquet.

UN SYSTEME COLONIAL «TORTIONNAIRE» NON REFORME

Pape Ibrahima Kane, expert sur les droits humains, estime que le Sénégal a hérité de la colonisation un système qui a gardé intact ses tares. Et malheureusement, le colon avait fait de sorte que le système le serve plus que les colonisés. En reprenant ce système donc, le Sénégal maintient les abus qui nuisent à ses justiciables. Pis, ajoute-t-il, «structurellement, la justice du Sénégal est incapable de régler les problèmes». Comme preuve, il se base sur le ratio magistrats/habitants, fixé par la norme mondiale que le Sénégal a dépassé de loin.

L’autre faiblesse du système, c’est également le fait que le Sénégal n’a pas assez de greffiers et d’avocats. Pour Pape Ibrahima Kane, il est noté une instrumentalisation de la justice. Dénonçant un système qui est laissé comme tel, il trouve que les dérives ont commencé sous le régime libéral, avec des institutions de défense des droits de l’homme qui n’ont servi à rien.

Le Procureur à la retraite, Alioune Ndao, est aussi d’avis que le Sénégal n’a pas de politique pénale ; ce qui existe c’est des circulaires qui sont érigées en règle. Il note aussi un héritage colonial qui n’a subi que de petites réformes. Parlant toujours du système, il affirme que les magistrats sont obligés d’appliquer une politique pénale qu’ils n’ont pas eux-mêmes définie. «Le lien hiérarchique entre le Parquet et le ministère de la Justice, constitue l’un des problèmes d’un système biaisé, au point que le Procureur soit le patron de l’instruction», ajoute-t-il.

Tout en réclamant la diminution des pouvoirs du Procureur de la République dans la détention et liberté provisoire et la création d’un juge des libertés, il juge que les parquetiers n’ont pas aménagé leur pouvoir d’indépendance que la loi leur donne. Une bonne marche de la justice doit s’accompagner, recommande Alioune Ndao, de «la suppression du pouvoir du ministre de la Justice dans la gestion des carrières des magistrats».

Alioune Ndao invite aussi à la limitation de la capacité d’intervention du ministre de la Justice dans les affaires gérées par les Parquets. L’ex Procureur juge également que le ministre de la Justice ne devrait pas intervenir dans les litiges individuels ; quant aux litiges non individuels, l’obliger à intervenir par écrit, en cas d’intervention. «Les retours de parquets qui n’ont pas de base légale, doivent être restreint à deux jours», pense-t-il.

SQ

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