Trente neuvième anniversaire de sa disparition : Cheikh Anta Diop, l’héritage politique mitigé du « dernier pharaon »

07 - Février - 2025

L’année 1986 a été marquée par la disparition de l’égyptologue et homme politique Cheikh Anta Diop qui aura marqué toute une partie de l’intelligentsia africaine par son travail scientifique et ses idéaux politiques. Par ailleurs, son legs politique apparaît très mitigé en raison des dissensions et divisions qui ont marqué son parti, le Rassemblement national démocratique (Rnd), créé en 1976.

Trente-neuf ans après sa disparition, l’héritage politique du Professeur Cheikh Anta Diop, appelé aussi « le dernier pharaon », reste toujours d’actualité pour ses disciples. Si l’héritage intellectuel et scientifique de l’égyptologue semble avoir l’approbation d’une grande partie de l’intelligentsia africaine et du monde scientifique, son legs politique est beaucoup plus ambigu. La volonté d’œuvrer pour un panafricanisme intégral et le nationalisme africain faisant fi des spécificités régionales et linguistiques du continent, s’est vite heurtée à l’hostilité des élites africaines post-coloniales. Ces classes dirigeantes vont présenter cette démarche d’intégration africaine comme une « chimère » totalement irréalisable en raison des profondes divisions exacerbées par les conséquences de l’esclavage et de la colonisation.

Pour Abdou Fall, ancien ministre de la Santé sous Me Wade et ancien militant du Rassemblement national démocratique (Rnd), la philosophie politique du Pr Cheikh Anta Diop repose sur le postulat de base qui est la fondation d’un État fédéral qui devait être le moyen par lequel les dirigeants du continent allaient s’organiser pour entreprendre et réaliser les trois grandes révolutions (éducationnelle, énergétique et industrielle) », avait-il déclaré dans les colonnes du journal « Enquête » en février 2023. Par ailleurs, il faut noter que le parcours politique de l’égyptologue n’a jamais ressemblé à un trajet paisible. Après l’interdiction de ses deux premiers partis, le Bloc des masses sénégalaises (Bms) et le Front national sénégalais (Fns), par le président Senghor, Cheikh Anta Diop, en compagnie de l’ancien président du Conseil, Mamadou Dia, libéré de prison de Kédougou, et d’anciens cadres du Parti africain de l’indépendance (Pai), vont finalement créer le Rassemblement national démocratique (Rnd) en 1976.

Mamadou Dia va démissionner pour créer son propre parti, le Mouvement pour le socialisme et l’unité (Msu), en 1981. Le Rnd ne va obtenir son récépissé de reconnaissance légale qu’en 1981, sous l’ère du multipartisme intégral. La formation politique de l’historien va connaitre sa première déflagration en 1983, au lendemain des élections législatives, avec la scission du Parti de la libération du peuple (Plp) de feu Babacar Niang. La disparition de son fondateur, Cheikh Anta Diop, le 7 février 1986, va plonger le Rnd dans une certaine léthargie. Des héritiers en rangs dispersés Le candidat du Rassemblement national démocratique (Rnd) et Secrétaire général du parti, Madior Diouf, va se classer 6e de l’élection présidentielle de 1993 avec 12 635 votes, soit 0,97 % des voix. Les retrouvailles entre le Rnd et le Plp, en 1998, n’ont pas pu redonner un nouvel élan à la formation politique du « dernier pharaon » qui avait des difficultés à s’imposer sur la scène politique.

Les divisions vont perdurer quelques années plus tard entre les deux tendances sous la direction de Madior Diouf et celle du Dr Dialo Diop sous le premier mandat de Macky Sall. Sans oublier l’apparition d’autres organisations politiques issues de la pensée « cheikhantaiste » comme l’Union pour la démocratie et le fédéralisme (Udf/Mboolo-mi), du Pr Pape Demba Sy, et le mouvement Alternative citoyenne/Andu Nawle, d’Abdou Fall. Ces formations naitront donc des flancs du Rnd. Cette situation affaiblira définitivement la mouvance politique issue de la pensée « cheikhantaiste », notamment le Rnd qui avait pour objectif de rassembler les patriotes et démocrates sénégalais et africains autour d’un projet de libération politique, économique et culturelle du pays et du continent. Le regain de la pensée panafricaine Dialo Diop, membre fondateur et ancien Secrétaire général du Rassemblement national démocratique, soutient, de son côté, que l’héritage politique du Pr Cheikh Anta Diop est indissociable de son legs scientifique.

« Cheikh Anta Diop a dû lutter simultanément sur ces deux fronts : sur le plan culturel, pour le rétablissement de la vérité historique falsifiée, sur le plan politique, pour la libération et la réunification de l’Afrique mère. Il s’agit donc d’un multiple héritage, à la fois transdisciplinaire et iconoclaste, ainsi que d’une authentique révolution paradigmatique dans les sciences humaines », a déclaré le médecin-biologiste à la retraite. Concernant la question de la vague de nationalisme ou de panafricanisme qui traverse le continent depuis quelques années et que certains observateurs considèrent comme la matérialisation de sa pensée politique, le vice-président de Pastef se veut plus mesuré. « C’est Mwalimu Julius Nyerere (Ndlr : ancien président de la Tanzanie) qui a dit que le nationalisme africain, c’est le panafricanisme.

En outre, cette quasi-obsession de l’unification politique de l’Afrique, constante dans les discours de Cheikh Anta Diop comme dans son action, ne saurait être viable et durable qu’à la condition expresse de se réaliser sur des bases autonomes et souveraines, démocratiques et pacifiques. Ceci est le credo fondamental de tous les authentiques panafricanistes à travers les siècles, sur le continent comme dans notre diaspora d’Occident et d’Orient », a souligné Dr Dialo Diop.

le soleil

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