Alioune Tine sur le duo Diomaye–Sonko : « Il faut régler le décalage entre légitimité et légalité provoqué par un concours de circonstances»

08 - Avril - 2025

Dans un contexte de gouvernance inédite au Sénégal, Alioune Tine invite à une lecture lucide du duo Diomaye–Sonko. Entre légalité institutionnelle et légitimité populaire, il appelle à un débat responsable, loin des polémiques, et plaide pour une justice indépendante, sans pression politique.

« La société civile est toujours dans l’esprit des années passées, notamment les années 1960. Il faut que toute la société civile fasse une mise à niveau. Je les connais bien, car la plupart sont mes amis et nous avons bourlingué ensemble. À chaque marche, nous étions ensemble. Nous devons les aider à se mettre à jour, car ils avaient l’habitude de voir, depuis le départ de Mamadou Dia, un Premier ministre trop dépendant, et un hyperprésident. » Ces propos du chanteur Ouza Diallo ont suscité une réaction d’Alioune Tine, qui en a profité pour soulever un débat relatif à la gouvernance actuelle.

« Ouza est un musicien engagé. Il a animé la première manifestation culturelle du SAES, dont j’étais le secrétaire chargé de la communication. Son intervention et son interpellation ne doivent absolument pas nous laisser indifférents. Nous traversons un moment historique, disruptif et complexe au Sénégal, avec cette nouvelle révolution citoyenne, qui appelle une révision déchirante de la part de toutes les catégories sociales intervenant dans l’espace public. Au Sénégal, nous avons tendance à accuser facilement, sans tenir compte des circonstances, des contextes de production des événements ni des dysfonctionnements institutionnels, dont les causes sont à rechercher dans l’espace et les structures institutionnelles que nous avons nous-mêmes construites. Le débat évolue petit à petit », indique le président-fondateur d’Afrikajom Center.

Il ajoute : « La déclaration de Bathily, DG de l’APIX, est le signe d’une prise de conscience de l’hybridité institutionnelle dans laquelle nous vivons, et à laquelle il convient de trouver une solution politique et démocratique. Il faut régler le décalage entre la légitimité et la légalité provoqué par un concours de circonstances qui s’est imposé à tous, et dont ni Diomaye ni Sonko ne sont responsables : la légalité que détient Diomaye en tant que président de la République, par les pouvoirs que lui confère la Constitution du Sénégal, et l’incontestable légitimité populaire dont jouit le Premier ministre Ousmane Sonko. Tous deux sont à la tête de l’État et issus du même parti politique, un parti qui fonctionne sur la base d’une hiérarchie verticale, incarnée par un leadership charismatique et incontesté. »

Pour Alioune Tine, « il faut comprendre Diomaye et son discours élogieux envers son mentor Ousmane Sonko, son leader qui a eu confiance en lui, au point d’en faire un président de la République. Ce que lui-même n’avait jamais envisagé. C’est une dette politique et symbolique inestimable. En bon Sérère, nourri des valeurs du terroir duko gënë gore , sa reconnaissance, sa loyauté et sa fidélité seront-elles sans limites ? Cela ne doit guère surprendre, c’est tout à fait normal. »

« Bathily, DG de l’APIX, très avisé, a pointé du doigt les choses sereinement, et c’est une bonne chose. La sérénité, surtout sur de tels sujets, permet un traitement lucide et responsable. Il nous faut, en effet, traiter cette question avec responsabilité, sans mauvaise foi, à travers un débat politique sain qui permettra d’améliorer notre démocratie. Ouza, cher ami, c’est le Sénégal qui est décalé, et nous avec. Poursuivons le débat sérieusement et sereinement, pour des réponses qui fassent avancer dans la paix ce pays qui nous est si cher. »

« Il faut laisser la justice avancer à son rythme et à sa cadence, sans pression aucune »
La sortie d’Aliou Niane, président de la Chambre de discipline financière de la Cour des comptes, n’a pas non plus laissé indifférent Alioune Tine, qui a réagi dans un tweet sur X. « Une sortie salutaire que je salue et soutiens, d’autant plus que je connais bien Aliou Niane depuis son mandat à la tête de l’UMS. C’est un homme de principe et de rigueur. Il nous faut, opposition comme pouvoir, respecter et renforcer les institutions judiciaires, respecter l’indépendance et l’impartialité des magistrats. De la même manière, il faut laisser la justice avancer à son rythme et à sa cadence, sans aucune pression, dans le cadre de la reddition des comptes. Les échecs passés dans ce domaine s’expliquent par l’immixtion de l’exécutif et des acteurs politiques, ainsi que par le caractère partisan et la mauvaise foi », écrit Alioune Tine.

L’ancien chef de file de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme estime qu’« il faut respecter l’État de droit, qui n’est rien d’autre que l’État respectant ses propres lois encore faut-il que ces lois soient conformes aux normes relatives aux droits humains et aux obligations internationales de l’État ». « L’État de droit, c’est la séparation des pouvoirs, or celui-ci est aujourd’hui ébranlé partout dans le monde par des régimes autoritaires ou illibéraux », renchérit-il.

Toujours selon lui, « au Sénégal, la justice s’améliore et suscite admiration et respect. Les autorités publiques, comme les leaders de l’opposition, doivent la respecter et la renforcer. Les crimes économiques sont abominables par leurs effets politiques, économiques, sociaux et moraux. Ces crimes inacceptables ne doivent absolument pas rester impunis. Les citoyens n’acceptent plus d’être représentés par des criminels. Il faut les sanctionner par des réponses efficaces, respectueuses de l’État de droit et des droits humains », conclut Alioune Tine.

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