FOSSOYEURS DE LA VERITE, QUAND L’AIGREUR SE FAIT PAMPHLET (PAR AMADOU THIOUROU BARRY)

15 - Avril - 2025

Il y a quelque chose de presque théâtral dans cette obsession qu’ont certains à vouloir constamment noyer la vérité, dans le ressentiment. Le récent article, intitulé « Macky Sall, fossoyeur de la démocratie sénégalaise et caution morale de la fondation Mo Ibrahim » s’inscrit dans cette veine. Présenté comme une analyse politique, il n’est en réalité qu’un acte d’accusation rageur, bâti sur une série de jugements à l’emporte-pièce et de conclusions expéditives. Un pamphlet dicté non par l’amour de la démocratie, mais par une frustration politique difficile à cacher. Un brûlot rédigé non pour éclairer, mais pour salir ; non pour débattre, mais pour détruire. Les auteurs de ce brûlot se présentent comme des vigies de la République, des défenseurs de la démocratie bafouée. Mais leur texte transpire davantage l’aigreur que la lucidité. Leur cible ? Macky Sall, un homme qu’ils détestent plus qu’ils ne comprennent, et dont ils caricaturent l’action pour mieux satisfaire leurs fantasmes de rupture.
Soyons clairs : critiquer un dirigeant est sain, nécessaire, démocratique. Mais encore faut-il que la critique repose sur des faits, une logique, un minimum d’honnêteté intellectuelle. Ici, rien de cela. Juste une colère froide, une frustration à peine dissimulée d’avoir perdu le monopole du discours politique. Les auteurs, sans nuance ni retenue, livrent un procès à charge contre un homme qu’ils n’ont jamais vraiment voulu comprendre, préférant caricaturer sa gouvernance plutôt que d’en analyser les effets.
À les lire, Macky Sall n’aurait eu pour seule ambition que de briser la démocratie sénégalaise.
Rien que ça. L’accuser d’avoir "enterré" la démocratie sénégalaise, c’est faire preuve d’une amnésie sélective. En deux mandats, son gouvernement a assuré la tenue régulière d’élections pluralistes, dans un contexte régional marqué par les coups d’État à répétition (Mali, Guinée, Burkina Faso, Niger). Il a consolidé des institutions comme le Conseil constitutionnel, maintenu la liberté de la presse — malgré les critiques — et renforcé la digitalisation de l’administration publique pour plus de transparence. Mais tout cela est sans importance pour nos justiciers autoproclamés.
Dans leur vision, la démocratie ne se résume pas à des institutions fortes ou à un État de droit, mais à la capacité de l’opposition à faire ce qu’elle veut, quand elle veut, sans rendre de comptes. Le vrai scandale, pour eux, c’est que Macky Sall ait gouverné sans leur permission, sans leur validation idéologique. Leur démocratie est à géométrie variable : ils la défendent quand elle les sert, la dénoncent quand elle les expose.
Peut-on débattre de certaines dérives dans la gestion du pouvoir ? Bien sûr. Mais parler de “fossoyeur” de la démocratie, dans un pays où la passation de pouvoir est demeurée pacifique et l’armée fidèle à sa neutralité républicaine, relève d’une exagération outrancière. Il ne s’agit plus ici d’analyse, mais d’un règlement de comptes déguisé en manifeste.
L’un des passages les plus révélateurs du texte est sans doute celui qui attaque la Fondation Mo Ibrahim pour avoir salué le refus de Macky Sall de briguer un troisième mandat. Il faut croire que pour ses détracteurs, reconnaître un mérite, même symbolique, c’est déjà trahir leur croisade. Ce que leur prose ne digère pas, c’est que Macky Sall ait su — contre toutes les suspicions, les rumeurs, les pressions — se retirer sans crise majeure, là où tant d’autres se sont accrochés au pouvoir. Ils auraient voulu un scénario de chaos. Ils espéraient une rupture brutale, une confiscation du pouvoir, une tentative de passage en force pour pouvoir s’ériger en résistants. Le calme les a pris au dépourvu. Et dans ce silence politique qu’ils n’avaient pas anticipé, ils hurlent plus fort encore leur rage.
Les auteurs du texte adoptent une posture qui, sous couvert de défense des libertés, justifie l’impunité. Toute décision judiciaire qui n’est pas allée dans le sens de leur camp a été automatiquement qualifiée de “politique”. Toute sanction contre un leader de l’opposition est devenue “répression”. Et pourtant, ces mêmes auteurs n’ont jamais proposé de modèle alternatif crédible, ni de garanties institutionnelles supérieures à celles qu’ils dénoncent. On est ici dans une logique binaire : le pouvoir est par nature corrompu, l’opposition par nature pure. Cette vision manichéenne, loin de servir la démocratie, l’appauvrit. Car elle empêche tout débat sur le fond, toute critique honnête, toute reconnaissance des avancées.
Il est aussi frappant de constater que ces mêmes auteurs, si prompts à dénoncer la “répression” ou la “dictature”, sont restés muets face à l’appel à la violence de certains leaders politiques. Ils n’ont vu aucun problème à ce que des responsables politiques appellent à brûler des bâtiments publics, attaquent les forces de l’ordre, ou refusent de se présenter devant la justice. Leur indignation est sélective, leur conception de la justice profondément biaisée : tout verdict qui condamne leur camp est politique, toute relaxe de l’autre camp est une manipulation.
Ils veulent une justice à leur image : partisane, instrumentalisée, soumise. Et ils osent ensuite parler de démocratie ?
Ce pamphlet révèle aussi une autre crise : celle d’une partie de l’intelligentsia sénégalaise, qui a renoncé à l’exigence de complexité. Nombreux sont ceux qui, par calcul ou conformisme, se sont alignés sur le discours dominant d’une opposition radicalisée. Ils disent parler au nom du peuple, mais ne rendent jamais compte à ce peuple. Et lorsqu’ils se heurtent à la réalité – celle d’un président qui part volontairement, d’un processus électoral apaisé, d’une transmission républicaine du pouvoir – ils perdent pied. Alors, ils écrivent. Non pas pour comprendre, mais pour se venger. Les véritables fossoyeurs de la démocratie se cachent parfois dans les colonnes de tribunes enflammées, dans les invectives des réseaux sociaux, dans les ambitions mal dissimulées de ceux qui rêvent d’un pouvoir sans garde-fous. Ils manipulent, travestissent, exagèrent… et se font passer pour des résistants.
La politique n’est pas une scène de théâtre, et le peuple sénégalais n’est pas un public à manipuler. Les citoyens méritent mieux que des pamphlets aigris et des indignations de façade. Ils méritent une « intelligentsia » responsable, capable de critiquer sans haïr, de proposer sans détruire, d’analyser sans déformer. Macky Sall n’est pas un héros. Mais il n’est pas non plus le bourreau de la démocratie qu’on veut faire croire. Il a gouverné, parfois avec fermeté, parfois avec maladresse. Mais il a aussi refusé la tentation du pouvoir perpétuel, et c’est là une victoire que ses contempteurs ne lui pardonneront jamais. Macky Sall n’est pas exempt de critiques. Des erreurs ont été commises, des décisions ont parfois manqué de pédagogie, des tensions ont existé, parfois nourries par son propre camp. Mais cela ne justifie pas qu’on le réduise à une caricature. Son héritage est complexe, comme celui de tout chef d’État. L’histoire jugera, avec sérénité. En attendant, qu’on cesse de faire passer la colère pour du courage, et le pamphlet pour de la pensée.

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