JUSTICE : MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE, NE JOUEZ PAS LES APPRENTIS SORCIERS ! (PAR IBRAHIMA THIAM)

02 - Octobre - 2024

La justice est cet étendard flamboyant qu'on brandit fièrement lorsqu’on est dans l’opposition, et qu’on rêve de manipuler à son profit une fois parvenu au pouvoir. Monsieur le Premier ministre, vous qui avez longtemps dénoncé la "justice aux ordres", vous voilà maintenant au pied du mur. Vous allez devoir résister à l'envie de faire aujourd’hui ce que vous critiquiez hier. Il vous était facile de vous insurger contre l'instrumentalisation de la justice lorsque vous vous opposiez au pouvoir de Macky Sall, mais maintenant le POUVOIR, C’EST VOUS.

L’histoire est pleine de responsables politiques qui, après avoir pointé du doigt la manipulation judiciaire, ont fini par y glisser la main entière une fois arrivés au pouvoir. Vous êtes sur une pente savonneuse monsieur le Premier ministre et ce n’est pas l’opposition qui vous a savonné la planche. Il vous appartient de mettre en adéquation vos décisions actuelles et vos imprécations passées. En clair d’être cohérent avec vous-même, cette cohérence dont on reproche si souvent l’absence aux hommes politiques.

La justice n’est pas un marteau qu'on agite comme un épouvantail pour écraser ses opposants, c’est un outil impartial, fondement essentiel de la démocratie et pilier de la République. Elle est là pour faire respecter le droit, protéger les plus faibles des puissants et non pas pour régler des comptes politiques. Ça c’est de la basse cuisine politicienne. Vous n’êtes plus en campagne électorale, monsieur le Premier ministre mais le chef du gouvernement, la nuance est importante, cela ne vous a pas échappé. Vous n’êtes plus un tribun qui courtise les électeurs pour leur vendre son idéologie, vous êtes aux manettes d’un pays en grande difficulté, où nos compatriotes attendent de vous un sens de l’Etat, le respect de ses institutions, au premier rang desquelles la justice, et un esprit responsable pour une action efficace. Si la justice se transforme en politique-spectacle où les ficelles sont tirées en coulisses c’est très inquiétant pour les justiciables et la démocratie avec un grand D majuscule. Il ne faut pas confondre l’institution judiciaire et le théâtre de guignol.

Le pouvoir judiciaire est, et doit rester indépendant du pouvoir en place, quel qu’il soit, à défaut c’est toute la confiance du peuple envers ses dirigeants qui est remise en cause, car ce dont sont épris les gens, où que ce soit dans le monde, c’est d’un désir, d’un besoin, d’une exigence de justice. La justice est inscrite dans nos gènes depuis l’enfance, lorsqu’on nous a appris à respecter l’autre, distinguer le bien du mal, l’honnête homme du voleur, la personne intègre du corrupteur. Remettre en cause cet enseignement c’est prendre le risque très dangereux de faire vaciller l’un des fondements essentiels de l’Etat. C’est ouvrir en grand les portes aux pires aventures. Nos compatriotes peuvent accepter beaucoup de choses, mais ils ne supportent pas l’injustice, et malheur à ceux qui tenteraient d’en faire un instrument à leur service.

Pour nos compatriotes, la justice est la seule chose qui subsiste quand il ne leur reste plus rien. Les priver de ce droit, c’est jouer avec le feu ! Alors attention à ne pas vous brûler les doigts en instaurant une justice aux ordres, les sénégalais ne vous le pardonneraient pas et la communauté internationale vous jugerait. La justice est gardienne de nos libertés fondamentales, le bien le plus précieux que nous ayons, elle est le barrage contre toute forme d’abus de pouvoir, de despotisme et de tyrannie. On peut se priver de beaucoup de choses, mais pas de la justice, protectrice de la démocratie et oxygène de nos sociétés. Alors, monsieur le Premier ministre, ne jouez pas les apprentis sorciers si vous ne voulez pas que votre régime se brûle les ailes.

Ibrahima Thiam, SENEGAAL KESE

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