«NI CANOT, NI GILET DE SAUVETAGE » : 2 migrants africains morts noyés après avoir été jetés à la mer par des garde-côtes grecs

18 - Février - 2022

Selon une enquête menée par plusieurs médias européens, des garde-côtes grecs ont battu puis jeté à la mer trois migrants, sans canot ni gilet de sauvetage, en septembre dernier. Deux d'entre eux sont morts noyés suite à ce refoulement illégal. Un autre homme est porté disparu depuis fin janvier après avoir subi le même sort.
Ce sont des révélations qui font grand bruit. Un demandeur d'asile camerounais accuse des garde-côtes grecs de l'avoir jeté à la mer avec deux autres hommes qui sont morts noyés.
Les faits, qui remontent au 14 septembre, se sont déroulés au cours d'une opération de refoulement vers la Turquie au large de l'île de Samos, révèle une enquête menée pendant plusieurs mois par le média allemand der Spiegel, le site d'information français Mediapart, le journal britannique The Guardian et l'organisation de journalisme collaboratif Lighthouse Reports. Les journalistes ont obtenu des documents permettant de retracer ce "pushback" : données météorologiques, présence de bateaux à proximité du lieu de noyade, correspondance entre les différents récits, vérification de photos reçues, sons, localisations GPS...
Frappés "à coups de poing" et "jetés à la mer".
Ce jour-là, Ibrahim, le demandeur d'asile à l'origine de ces accusations, avait, avec 35 autres personnes, embarqué à bord d'un canot pneumatique pour rejoindre Samos à partir des côtes turques. Arrivés sur l'île, plusieurs membres du groupe ont subi des violences de la part de garde-côtes grecs et se sont vu confisquer leurs téléphones portables et leur argent, selon plusieurs témoignages recueillis par ces médias. Certains assurent même avoir subi des fouilles dans l'anus et dans le sexe.
Les trois hommes ont quant à eux été contraints d'embarquer à bord d'un bateau présenté comme celui des garde-côtes de Samos. Mais une fois au large, les garde-côtes grecs les ont frappés "à coups de poing" avant de les "jeter à la mer", sans canot ni gilet de sauvetage, a raconté Ibrahim.
Les corps des deux victimes, un Ivoirien du nom de Sidy Keita, 36 ans, et un Camerounais, Didier Martial Kouamou Nana, 33 ans, ont été retrouvés par des garde-côtes turcs et des navires de plaisance, les 18 et 20 septembre dernier. Ibrahim, lui, a réussi à rejoindre à la nage les côtes turques en face de Samos. Il a depuis déposé une demande d'asile en Grèce.
"Pratique commune".
Au-delà de ce drame, les journalistes-enquêteurs affirment que jeter des migrants à la mer est désormais une "pratique commune" de la part des autorités grecques. "Deux gradés des garde-côtes grecs nous l'ont confirmé", assure Thomas Statius, un journaliste de Mediapart. "Deux raisons à cela : cela coûte moins cher de renvoyer les gens dans l'eau plutôt que de les placer dans un canot de sauvetage [et] cela envoie un message de l'autre côté de la mer Égée en Turquie où des milliers d'exilés veulent toujours tenter la traversée." Interrogés par ces médias sur cette affaire, Athènes a une nouvelle fois nié toute pratique illégale.
D'autres migrants jetés à l'eau en janvier.
Les faits font écho à d'autres accusations. Fin janvier, le ministre turc de l’Intérieur avait accusé des garde-côtes grecs d'avoir jeté à l’eau, en pleine nuit, trois migrants qui venaient d’entrer illégalement sur l’île de Chios. Deux d’entre eux avaient réussi à rejoindre la Turquie à la nage avant d'être pris en charge, mais le dernier était porté disparu. "Il a dit qu’il ne savait pas nager, mais ils [les garde-côtes grecs, ndlr] ne l’ont pas écouté" Ses derniers mots ont été : «Je ne sais pas nager, je ne sais pas comment faire’ », avait expliqué un migrant présent lors de la scène.
Plusieurs Ong accusent régulièrement la Grèce de refoulements illégaux à sa frontière, ce qu'Athènes dément systématiquement. Les récits d'exilés en mer Égée ont été maintes fois documentés par les médias dont InfoMigrants. Un Guinéen avait raconté fin 2020 à la rédaction comment des hommes en uniforme avaient percé le canot dans lequel il se trouvait pour l’empêcher d’atteindre les îles. Plus récemment, une Congolaise avait expliqué comment les garde-côtes grecs avaient refoulé son embarcation en mer, mettant les passagers en danger. "Ils nous ont menacé avec leur armes (…) Ils ont tourné autour de nous, ce qui a fait de grandes vagues et du courant", avait-elle rapporté.
L’Ong Aegean boat report, qui a recensé 629 cas de "pushback" en mer Égée en 2021, affirme que plusieurs témoignages font état de migrants jetés à l’eau par les autorités grecques, certains "menottés avec des bandes de plastique".
En octobre dernier, InfoMigrants avait également pu rencontrer un ex-policier grec à la retraite qui déclarait avoir lui-même renvoyé illégalement, pendant des années, des milliers de migrants depuis la région de l'Evros vers la Turquie.
Avec Info migrants

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

21 - Août - 2025

Affaire Lat DIOP : Le parquet financier ordonne l’arrestation du Dg d’Afritech

L’affaire Lat Diop connaît un rebondissement après le supplétif transmis par le parquet financier au président du Collège des juges d’instruction....

21 - Août - 2025

Musée des Civilisations Noires : Un audit révèle un détournement d'une centaine de millions de francs

Le rapport d'audit 2017-2024 sur la gestion du Musée des Civilisations Noires, commandé par la nouvelle Direction générale, révèle de graves...

21 - Août - 2025

Formation professionnelle : Le Sénégal et la Jica signent un mémorandum de coopération

Le Gouvernement du Sénégal et la JICA (Agence japonaise de coopération internationale) ont signé, ce jeudi 21 août 2025, un mémorandum de...

21 - Août - 2025

Sicap Mbao : Une jeune femme de 20 ans planifie une attaque armée contre son petit copain

Nuit du mardi 19 au mercredi 20 août. A. Ndour rend visite à son petit-copain, Djiby Ndiaye, qui a pris en location une chambre dans une maison de Sicap Mbao. Les amoureux passent du...

20 - Août - 2025

Migration irrégulière : 147 personnes interceptées au large de Sangomar, sept (7) passeurs arrêtés

La Division nationale de lutte contre le trafic de migrants et pratiques assimilées (DNLT) a procédé à l’arrestation de sept (7) personnes impliquées dans...