Avec le retrait russe de l’accord céréalier, l’Afrique fait face à un risque d’accroissement de l’insécurité alimentaire

18 - Juillet - 2023

Les pays africains, confrontés pour beaucoup à une forte inflation et à une difficulté croissante à nourrir leur population, importent une grande partie de leurs céréales de l’extérieur du continent. En face, Ukraine et Russie figurent parmi les principaux exportateurs mondiaux de blé, d’orge ou de maïs. La Banque africaine de développement (BAD) a estimé qu’en 2020, quinze pays africains sur cinquante-quatre achetaient plus de la moitié de leur blé auprès de l’un de ces deux pays.

« L’Afrique de l’Est nous inquiète particulièrement. La Russie et l’Ukraine fournissent la majorité des céréales de cette région », déclarait Akinwumi Adesina, le président de cette institution panafricaine, début 2022. Kenya, Ethiopie et Somalie étaient alors touchés par une sécheresse record qui menaçait 13 millions de personnes de famine. A la suite de l’accord céréalier, l’arrivée dans la région en août 2022 d’un premier bateau de blé ukrainien fut qualifiée de « soulagement » par l’envoyé spécial des Etats-Unis pour la sécurité alimentaire mondiale, Cary Fowler.

L’effondrement de l’accord qui avait permis d’exporter 33 millions de tonnes de céréales ukrainiennes (bénéficiant largement à la Turquie et à la Chine, mais aussi au Programme alimentaire mondial de l’ONU) va tout d’abord affecter les exportateurs ukrainiens. L’effet sur les ventes russes est plus incertain, bien que les sanctions internationales ne concernent pas les produits agricoles.

Pour l’économiste Charlie Robertson, c’est l’Afrique du Nord en premier lieu qui pâtira du retrait russe de l’accord, notamment l’Egypte, l’un des plus gros importateurs de blé au monde. « La majorité des importations de céréales d’Egypte viennent de Russie et d’Ukraine et tout ce qui peut compromettre ces échanges, tout ce qui peut les rendre plus chers, représente une souffrance directe », note l’ancien économiste en chef de Renaissance Capital, passé au fonds FIM Partners. Il rappelle que dans un pays connaissant une inflation de 30 % toute hausse des « prix alimentaires fait mal à l’homme de la rue ». Selon Reuters, l’Egypte a réduit sa dépendance au blé ukrainien, qui est passée de 28 % à 9 % des importations entre 2021 et 2022… au profit du blé russe (passé de 50 % à 57 %).

D’autres Etats africains sont moins exposés aux « blés de la mer Noire ». Au Sénégal, bien plus petit importateur, les Grands Moulins de Dakar (GMD) – n° 1 avec 40 % de parts de marché revendiquées – n’importent plus de blé ukrainien et russe depuis le début de la guerre. « Nous nous sommes redirigés vers l’Europe, notamment la Lituanie et la Lettonie », explique son directeur général adjoint, Franck Bavard, rappelant que ces moulins appartiennent à une société américaine, Seabord Overseas, particulièrement « vigilante » sur la provenance de ses achats. « Nous n’avons donc pas d’inquiétudes pour les semaines à venir », précise-t-il, ajoutant que le Sénégal avait mis en place un système de subventions lorsque les prix du blé s’étaient envolés au début de la guerre.

avec Lemonde

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