Émeutes de Mars: les impactés attendent toujours désespérément l’Etat

31 - Décembre - 2021

En mars 2021, les émeutes survenues à Dakar et dans beaucoup de localités de notre pays dans le cadre de l’« Affaire Adji Sarr » avaient surpris tout le monde. Des émeutes d’une ampleur sans précédent au Sénégal tant par leur intensité meurtrière que par l’étendue des dégâts. Durant presque quatre jours d’affilée, le pays s’est trouvé au bord de l’apocalypse ! On avait assisté non seulement à des affrontements très violents ayant opposé des jeunes manifestants aux forces de l’ordre, mais surtout à des dégâts importants. Il y avait eu des édifices publics dégradés, des mobiliers urbains renversés, des boutiques et entreprises incendiées et pillées. Une quinzaine de morts et des dizaines de blessés avaient été enregistrées aussi bien du côté des manifestants que de celui des forces de

Installé à Pikine, Dr Ghazy Yahya sans… cabinet médical fixe
Parmi les nombreuses victimes de ces événements de mars dernier, Dr Ghazy Yahya, médecin gynécologue installé à Pikine-Icotaf depuis plusieurs années. Ce au moment où la plupart des médecins spécialistes sénégalais d’origine libanaise 
sont concentrés au centre-ville de Dakar. Lui, il a préféré ouvrir son cabinet de gynécologie obstétrique dans la banlieue dakaroise pour y être plus proche des patientes aux grossesses à hauts risques.

Malheureusement, le pauvre Dr Ghazy Yahya a payé les frais de cette proximité avec des zones chaudes lors de ces émeutes. Car, durant ces journées de folie, les policiers, gendarmes et militaires étaient plus déployés et concentrés à Dakar-Plateau regroupant des zones sensibles et stratégiques que dans la banlieue dakaroise. Les manifestants ont donc pu s’en donner à cœur joie dans ces quartiers de banlieue. Chez le Dr Ghazy Yahya, après avoir défoncé la porte du cabinet médical, ils avaient tout saccagé, tout pillé.

« Une fois à l’intérieur, par groupes, ils ont emporté les meubles, les chaises, les tables, les documents, les ordinateurs, les médicaments etc. Et la nuit, ils sont revenus sur les lieux. Pour ce second assaut, ils ont emporté les chaises anglaises des toilettes, les appareils d’échographie, les armoires et tout ce qui leur semblait vendable. Une série de pillages à l’insu du Dr Ghazy, maitre des lieux ! Car il n’aurait jamais imaginé qu’en son absence, le cabinet médical allait être pillé » se désole un témoin domicilié à Pikine-Icotaf.

Après l’évaluation des experts et constaté d’huissier, les dégâts sont estimés à une vingtaine de millions Cfa. Dix mois après ces scènes de violence et de vandalisme nous révèle-t-on, ce médecin-gynéco- logue est sans cabinet médical. Pour le suivi médical de ses malades, Dr Ghazy a loué une pièce à la rue Wagane Diouf à Dakar. Ce, le temps qu’il soit financière- ment aidé par l’Etat pour pouvoir retourner dans le lieu à Pikine. Bien évidemment, le Dr Ghazy que nous avons choisi comme « symbole » des sinistrés, n’est qu’une parmi les centaines voire des milliers de victimes des émeutes de mars.

146 édifices publics dévastés, 150 milliards de dégâts rien que pour l'Etat (AJE)
En dehors de la Santé d’autres secteurs ont été également impactés par ces émeutes. Résultat : des grandes surfaces aux capitaux français (Auchan) défoncées et pillées, des guichets automatiques de banques (Gab) braqués, des boulangeries vandalisées, des stations services de différentes compagnies pétrolières saccagées etc. Sans compter les multiples dégâts corporels subis par des automobilistes et piétons agressés et dépouillés de leurs objets de valeur.

Selon Me Bocar Samba Thiam, Agent judiciaire de l’Etat contacté, mercredi, par « Le Témoin », plusieurs personnes et entreprises privées ont payé les frais de ces événements douloureux. « Je suis au regret de vous préciser que l’Etat est la première victime de ces violences. Refoulés par les forces de l’ordre, les émeutiers se sont finalement défoulés sur les édifices publics qu’ils ont saccagés ou brûlés. En dehors des véhicules administratifs de l’Etat (Ad) brulés ou détruits, des brigades de gendarmerie, des commissariats de police, des mairies, des agences de la Senelec et autres infrastructures publiques ont été saccagés et vandalisés. Après constat, l’Etat a subi un préjudice estimé à 150 milliards Cfa sur l’ensemble des 146 édifices publics endommagés à travers le Sénégal. Juste pour vous dire que l’Etat du Sénégal a souffert de ces dé- gradations publiques. Ce bien qu’on ne puisse comparer l’Etat avec les pauvres citoyens victimes » a expliqué l’Agent judiciaire de l’Etat.

Me Moussa Bocar Thiam révèle avoir reçu une centaine de demandes d’indemnisation. « Malheureusement, il n’y a aucun texte de loi au Sénégal qui prévoit une réparation ou une indemnisation relative à des dégâts provoqués par des violences ou des manifestations publiques. Il n’y a aucune loi qui engage les responsabilités systématiques et automatiques de l’Etat du Sénégal en cas de dégâts et dommages causés par des troubles à l’ordre public. Mais l’Agence judiciaire de l’Etat a saisi le président de la République pour qu’il cherche des voies et moyens à soutenir, je dis bien soutenir, ceux qui sont impactés par ces événements-là ! Donc pour des raisons politiques, sociales et humanitaires, je suis convaincu qu’au courant de l’année 2022, le président de la République fera quelque chose pour ces victimes » rassure Me Moussa Bocar Thiam.

Il a profité de l’occasion pour assener ses quatre vérités aux ennemis de la paix dès lors que l’État n’est pas civilement et pénalement responsable des dégâts et dommages résultant des attroupements, des rassemblements et des manifestations de nature à troubler l’ordre public. « Aujourd’hui, voilà les résultats de cette violence ! Dans ce genre de situations, les pauvres citoyens sont toujours les grands perdants. Sans oublier ces personnes qui ont trouvé la mort dans ces scènes de guérillas suite à des appels à manifester et à résister. Naturellement, ceux qui ont provoqué ces émeutes n’ont pas les moyens de les réparer. Et, après coup, ils se la coulent douce- ment chez eux et en toute sécurité après avoir mis à l’abri leurs enfants, frères et épouses. Mais rien ne sera plus comme avant car l’Etat va prendre toutes ses responsabilités pour prévenir et éviter de telles violences dans ce pays. Vous savez, le Séné- gal est leader en matière de démocratie, il faut qu’on soit aussi leader en matière de sécurité des personnes et des biens. Sans la paix et la sécurité, rien ne peut se développer dans ce pays. Même le secteur touristique est impacté par ces récentes violences dès lors que les journaux et images voyagent vite à travers le monde. Plus jamais ca ! » s’est étranglé Me Moussa Bocar Thiam, agent judiciaire de l’Etat.

Pour la petite et triste histoire, ces scènes d’émeutes à Dakar et dans plusieurs villes du Sénégal avaient commencé avec l’arrestation d’Ousmane Sonko dans le cadre de ce qu’on a appelé l’« affaire « Adji Sarr ». En trois jours d’émeutes,  il y a eu 14 morts et des dizaines de blessés par balles ainsi que des pillages massifs sur l’étendue du territoire national.

Le Témoin

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