NOTE STRATEGIQUE – POUR UN STATUT NEGOCIE DE LA DIASPORA SENEGALAISE (PAR AMADOU SYLLA)

19 - Septembre - 2025

Introduction
La diaspora sénégalaise représente un atout essentiel pour le développement économique, social et culturel du Sénégal. Composée de plusieurs millions de personnes réparties dans le monde, elle transfère chaque année des montants estimés entre 2,5 et 3 milliards d’euros, soit près de 10 % du PIB national. Au-delà des envois d’argent aux familles, la diaspora investit dans l’immobilier, l’agriculture, les services, et porte de nombreux projets éducatifs et associatifs.

Cependant, son potentiel reste encore largement sous-exploité. Les investissements productifs sont freinés par des obstacles tels que l’insécurité foncière, la complexité administrative, ou le manque de garanties financières. De plus, malgré son poids économique et culturel, la diaspora est insuffisamment impliquée dans la gouvernance nationale. Il devient donc nécessaire de réfléchir à un « statut négocié », c’est-à-dire un cadre clair et stable défini entre l’État du Sénégal et la diaspora, afin de protéger ses investissements, valoriser ses initiatives et renforcer sa participation citoyenne.
1. Les enjeux d’un statut négocié
Le statut négocié vise trois objectifs principaux :
• Sécuriser et encourager les investissements économiques de la diaspora.
• Reconnaître pleinement sa contribution citoyenne et culturelle.
• Créer une relation de confiance durable avec les autorités publiques.

Il s’agit d’aller au-delà des simples incitations fiscales. Ce statut devrait offrir un véritable cadre juridique et institutionnel permettant de planifier des projets à long terme, avec des garanties de stabilité et de transparence.
2. Diagnostic : forces, limites et risques actuels
La diaspora sénégalaise est déjà un moteur puissant de développement :
- Elle mobilise des ressources financières supérieures aux investissements étrangers directs.
- Elle contribue au transfert de compétences, d’innovations et de savoir-faire.
- Elle joue un rôle majeur dans le rayonnement culturel du Sénégal.

Mais plusieurs freins subsistent :
- Une instabilité réglementaire (changement de lois fiscales, lenteur administrative).
- Des litiges fréquents autour du foncier et des projets d’investissement.
- Une représentation politique limitée et parfois symbolique.

Si aucune mesure n’est prise, les risques sont clairs : une perte de confiance, un ralentissement des investissements, voire une réorientation des capitaux vers d’autres pays plus attractifs.
3. Propositions pour un statut négocié
3.1. Reconnaissance juridique et économique
- Créer un « Code de l’investissement de la diaspora » qui encadre les avantages fiscaux, la protection des biens, et les conditions d’investissement.
- Mettre en place un guichet unique numérique et physique pour simplifier les démarches administratives.
- Garantir juridiquement la propriété foncière et les contrats bancaires grâce à une législation claire et un contrôle judiciaire efficace.
3.2. Représentation et participation citoyenne
- Renforcer la représentation des Sénégalais de l’extérieur au Parlement et dans les instances locales.
- Créer un Conseil national de la diaspora, doté d’un rôle consultatif obligatoire dans l’élaboration des politiques publiques concernant la diaspora et le développement économique.
- Permettre un droit de vote complet, y compris pour les élections locales et les référendums nationaux.
3.3. Instruments financiers innovants
- Émettre des Diaspora Bonds sécurisés, garantis par l’État du Sénégal et des institutions régionales comme la BCEAO.
- Mettre en place un Fonds souverain de la diaspora, cogéré par des représentants de l’État, de la diaspora et des banques partenaires, afin de financer des projets structurants (énergies renouvelables, infrastructures, agriculture).
- Offrir des taux d’imposition réduits ou différés pour les investissements productifs dans l’agriculture, l’industrie, ou l’économie sociale et solidaire.
4. Plan d’action proposé
Étape 1 : Organisation d’états généraux de la diaspora pour définir une plateforme commune de revendications.
Étape 2 : Mise en place d’un Haut Conseil économique et citoyen de la diaspora, mandaté pour représenter ses intérêts dans les négociations.
Étape 3 : Négociation d’un accord-cadre ou d’une loi-cadre « Statut de la diaspora sénégalaise », à signer entre le gouvernement, les fédérations de la diaspora et les partenaires financiers.
Étape 4 : Mise en œuvre progressive, avec un calendrier précis et des mécanismes d’évaluation et d’audit annuels.
5. Recommandations clés
- Garantir la stabilité juridique à long terme, avec une clause de non-rétroactivité des lois fiscales.
- Instaurer une obligation d’audit indépendant des fonds mobilisés (Diaspora Bonds, Fonds souverain).
- Favoriser les partenariats entre la diaspora, les universités et les entreprises pour renforcer le transfert de compétences et l’innovation.
- Mettre l’accent sur la formation des jeunes et des femmes comme vecteur de développement inclusif.
Conclusion
Un statut négocié entre l’État sénégalais et sa diaspora n’est pas seulement une reconnaissance symbolique. C’est un outil stratégique pour transformer l’engagement affectif et financier de millions de Sénégalais vivant à l’étranger en un moteur durable de développement national. En sécurisant les investissements, en renforçant la participation citoyenne et en construisant une relation de confiance, ce statut permettra au Sénégal de mieux mobiliser les compétences et les ressources de ses enfants de l’extérieur au service d’un avenir partagé.
Paris le 18/09/2025

Amadou SYLLA
Délégué Général et membre fondateur de l’organisation SOS Casamance
Membre de réseau inter associatif de la diaspora pour la Paix
Ahmadousylla77@hotmail.fr

 

Commentaires
2 commentaires
Auteur : Posté le : 21/09/2025 à 23h35
(5/5)

Bonsoir Mr Sylla.
J'apprécie vraiment votre note stratégique et la trouve très pertinente.
Je crois que la représentation de la diaspora au niveau des assemblées surtout locales (commune et département) pourrait être un véritable outil de relance de la coopération décentralisée qui sera bénéfique aux communes , aux départements et à leurs populations.
Peut être faudrait -il approfondir la réflexion dans ce domaine.
Merci beaucoup.

Auteur : Posté le : 19/09/2025 à 19h55

Merci infiniment pour cette contribution

Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

05 - Novembre - 2025

"Diffamatoires et mensongers" : Babacar Fall porte plainte contre Serigne Saliou Gueye

Le conflit médiatique entre Babacar Fall, directeur de l'Information de RFM (Radio futur média), et Serigne Saliou Guèye, directeur de publication du journal Yoor Yoor, prend...

05 - Novembre - 2025

« Menteur, insolent, incompétent » : Alioune Ndoye et Toussaint Manga se tirent dessus à cause...

Un bras de fer oppose le maire de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye, au directeur général de la Loterie nationale sénégalaise (Lonase), Toussaint Manga. D’après...

05 - Novembre - 2025

Affaire Amadou Sall : les premières auditions au fond prévues les 18 et 19 novembre

L’Observateur annonce un gros rebondissement dans l’affaire Amadou Sall. Après la trêve des vacances judiciaires, le Pool judiciaire financier (PJF) s’apprête...

05 - Novembre - 2025

Poursuivi par son ex-femme, El Hadji Diouf accusé d’avoir abandonné sa fille

L’ancienne star des Lions, El Hadji Ousseynou Diouf, se retrouve au cœur d’une affaire judiciaire sensible. Selon L’Observateur, paru ce mercredi 5 novembre,...

04 - Novembre - 2025

Crise au GFM : baisse des salaires dès le 1er novembre et licenciements annoncés

Le climat social s’annonce tendu au Groupe futurs médias (GFM). Face à des difficultés économiques persistantes, le groupe de presse fondé par Youssou...