SÉNÉGAL : LE PLAN DE REDRESSEMENT DE L’INAPTOCRATIE (PAR BEN YAHYA SY)
Le vendredi 01 août 2025 s’est tenu au Grand théâtre, la présentation pompeusement appelée Programme de Redressement Economique et Social par les nouvelles autorités. Celle-ci vient après un Agenda National de Transformation, une déclaration de politique générale (DPG) et une LRF devant la représentation nationale. Ce à quoi nous avons assisté était plutôt un rassemblement politicien de mauvais goût avec des spectateurs venus pour applaudir leur « leader bien aimé » et montrer par la même occasion qu’il n’était pas un fusible qu’un décret présidentiel pouvait dégommer de son poste.
Au demeurant, il est bon de clarifier certaines notions à travers leur définition juridique ou économique pour démonter l’arnaque à laquelle nous assistons.
Un plan de redressement est un document stratégique conçu pour permettre à une entreprise en difficulté de surmonter ses problèmes financiers et de retrouver une situation économique stable. Il décrit les actions à entreprendre pour restructurer l’entreprise, réduire les coûts, augmenter les revenus et rembourser les dettes. Ce plan est essentiel pour convaincre les créanciers et le tribunal que l’entreprise peut être sauvée.
Tandis qu’un programme d’ajustement structurel est un programme de réformes économiques que le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale mettent en place pour permettre aux pays touchés par de grandes difficultés économiques de sortir de leur crise économique.
La stabilisation pour sa part, fait référence à la politique monétaire et à la politique budgétaire du gouvernement ou à d'autres actions prises dans le but de minimiser les fluctuations des principales variables macroéconomiques d'un cycle économique, en particulier l'emploi, la production et l'inflation.
Une politique de relance, par contre, est une politique économique qui vise à stimuler l'économie d'un pays lors d'une phase de crise économique ou de ralentissement de la croissance. Une politique de relance s'appuie sur un plan de relance, qui est le programme détaillant les dispositifs pratiques. Cette politique de relance s'effectue généralement par le biais d'une politique budgétaire, à savoir d'une hausse des dépenses publiques, ou par une politique fiscale, c'est-à-dire par la modulation des niveaux d'impôts. Elle mène à une dégradation du solde public temporaire, dans le but de relancer l'activité. Une politique de relance peut aussi passer par une politique monétaire expansionniste, c'est-à-dire par la baisse des taux d'intérêt que manipule la banque centrale.
Pour revenir à la cérémonie de présentation, il convient de signaler avant tout deux incongruités avec la paternité du plan au Premier ministre alors que c’est le Président de la République qui détermine la politique de la Nation. Une ignorance des règles élémentaires ou une manière de s’afficher suite à la brouille annoncée entre les deux hommes ? Le Président qui oublie la solennité de l’évènement pour accuser le régime sortant d’avoir loué un immeuble qui lui appartient pour le HCCT en 2014, alors que cette institution a été créée en 2016.
À travers ce meeting qui ne dit pas son nom, les autorités nous apprennent que trois principaux chantiers ont été lancés : «la réduction maîtrisée de la dette publique, la mobilisation des ressources domestiques et le financement endogène complémentaire hors endettement ». Et parmi les mesures annoncées figurent la réduction des charges et du train de vie de l’Etat, la réduction des coûts des voyages à l'étranger, la taxation de niches de financement « sous-fiscalisées » comme le numérique, le « mobile money », les jeux de hasard et en ligne, ou le foncier. La renégociation des contrats dans le pétrole, le gaz et les mines, la réduction des frais d’eau et d'électricité dans l’administration publique et un ciblage des bénéficiaires des subventions dans l'énergie font aussi partie des volets de ce plan.
Les nouvelles autorités affirment avoir hérité d’un lourd passif, de l’ex-régime, accusé d’avoir dissimulé les vrais chiffres sur des indicateurs clefs comme la dette publique et le déficit budgétaire. En vérité, ce plan de redressement économique et social qui n’en est pas un, va sévèrement affecter le pouvoir d’achat des ménages sénégalais car les annonces faites n’auront pas de rendements. Personne ne peut dire par quels mécanismes ces annonces seront mises en œuvre. Quelle production et pour quelle demande ?
Autre fait marquant, aucune des mesures annoncées ne va affecter les caisses noires, les budgets de la Présidence, Primature, Assemblée nationale et Agences. En prenant les Agences au nombre de 171 comme exemple, nous constatons un budget cumulé en 2024 de 2440 milliards et 2678 milliards en 2025. C’est une augmentation de plus de 200 milliards pour un pouvoir qui avait fait campagne sur la suppression des agences et la rationalisation des dépenses de l'Etat. Un autre exemple d’une structure budgétivore et inutile (sauf à planquer des alliés politiciens) est le Haut Conseil du Dialogue Social dont la mission est incluse dans celle du Médiateur de la République. Aujourd'hui, un enseignant-syndicaliste et allié du pouvoir plastronne à sa tête. Et pourtant ce Haut Conseil du Dialogue Social a bien été cité dans le fameux livre « Solutions » de l’actuel Premier ministre.
Sur un autre registre, le financement endogène qui vise à renforcer l’autonomie budgétaire d’un Etats a été évoqué, c’est une manière de mobiliser des ressources domestiques qui permettront non seulement de financer les programmes de développement, mais aussi de réduire la dépendance vis-à-vis des financements extérieurs souvent, soumis à des conditions restrictives. C’est un domaine dans lequel le Bénin est érigé en exemple, grâce à ses réformes entreprises depuis 2016. Cependant, les spécialistes sont unanimes « qu’un développement endogène n’est jamais vertical, mais plutôt circulatoire associant des acteurs complémentaires à différents niveaux récurrents de l'action publique et privée du développement. » La démarche prônée par les autorités est verticale et » l''endogénéité qu'elle porte oublie beaucoup d’acteurs qui irriguent à différents niveaux le tissu économique et social aussi bien urbain que rural. Des acteurs particuliers financiers du développement endogène au Sénégal à un double niveau ne sont pas pris en compte en faveur d'autres qui ne sont pas forcément au fait des sociographies urbaines et rurales des réalités sénégalaises. »
Nous constatons ainsi beaucoup de trous dans la mobilisation des potentialités endogènes possibles, montrant ainsi une méconnaissance des réseaux de la sociographie économique endogène de notre pays et de sa Diaspora par les autorités et surtout si elles ont comme baromètre les Diaspora-bonds.
En définitive, le PRES dans sa version actuelle, est un paquet d’intentions qui ne projette pas dans le temps les faisabilités opérationnelles. C’est pour nous l’occasion de convoquer cette réflexion du Président Mamadou Dia que les nouvelles autorités tentent de copier maladroitement, « Quand on s’engage dans une lutte n’ayant d’autre motivation que le souci de servir son pays, on se met au service du Bien. »
Ben Yahya SY
Convergence des Cadres Républicains de France
Excellente analyse d’un événement politicien en prélude d’une austérité inavouée.