Affaire « professeur » Songhé DIOUF : et si les questions étaient plus importantes que les propos !

17 - Mars - 2018

Nous avons tous été témoins de vifs commentaires et sentiments de consolation ou de désolation en lien avec les propos de celui qui est communément appelé « professeur » et qui semblerait faire « ouvertement (à la télévision) l'apologie du viol », en incriminant l'habillement des Femmes.
Certains sujets sont délicats, vifs et incisifs. Le viol en fait parti. C'est sensible ! A travers ces propos, Professeur aurait violé notre conscience individuelle, mais aussi collective. Soit !
Toutefois, cette réaction que le sens commun a fait montre dans les réseaux sociaux, mérite une autre analyse. En fait, pour mieux comprendre un fait et le rendre intelligible, il faut arriver à le conquérir des préjugés, des prénotions et sentiments.
En ce mois de mars, mois de la femme, mois du 8 mars qui reste encore une brûlante actualité, cette valse de réaction implique certainement une appréhension systémique de la question des droits des femmes. Donc de la condition féminine, le seul combat humain qui s’impose.

RAPPORT A LA FEMME, A LA NUDITE...

Traditionnellement, nos mamans, nos sœurs, nos femmes, nos voisines se baladaient seins nus, exerçaient certaines activités à côté ou avec les hommes. Elles allaitaient un enfant dans la foule, dans la rue… partout où l’enfant affirmait un besoin de prendre le sein de sa mère. Ça ne tentait personne, ça ne provoquait personne, ça ne choquaient personne, ça ne dérangeait personne. Ni sexuellement, ni religieusement, ni socialement. Chacun maitrisait ses fantasmes. On était tous réglo. Même le fou du village n’était pas excité par ces comportements. Ni par l’oralité, ni par écrite, nos conteurs ou écrivains ne nous ont relaté des cas de viols liés à ces comportements de la mère.
Rappelons à tout « Boy town » hyper branché de la génération « Y » et « civilisé » que ces pratiques s’observent encore dans certaines zones rurales ou semi urbains.
De même, des études anthropologiques nous montre qu’il y'a encore des peuples qui, s’ils ne « vivent pas nus », « s’habillent » à moitié et ne sont pas hantés par ce phénomène du viol. Ne parlons pas des lieux de pèlerinage…
Tout est question de contexte (social, culturel, relationnel et personnel), de rapport, de représentations sociales, d’imaginaire individuel ou collectif, de ressenti, de fantasmes, de pulsions… Le contrôle social fera son travail et tentera de nous rendre conforme aux normes du groupe.

LE VIOL EN QUESTION !

Pour les juristes, « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. » (Code pénal)
Cette infraction est punie par l’article 320 du code pénal sénégalais.
En réalité et par extension, peut être considéré comme viol tout comportement à connotation sexuelle (pouvant donc favoriser une jouissance sexuelle) EXERCĖ sur une personne vulnérable ou NON CONSENTI par un adulte des deux sexes (homme ou femme) disposant l’ensemble de ses facultés physiques et mentales. Même au sein d’un couple, il peut exister des formes de viol, dès lors que l’acte n’est pas consenti ! Nos enfants, nos malades mentaux, nos frères et sœurs à besoins spécifiques aussi ne sont pas épargnés.
Rappelons au passage aux férus des chiffres que le nombre réel d’hommes et surtout d’enfants et de femmes violés au Sénégal (et ailleurs dans le monde) reste toujours supérieur à celui relaté par les médias, voire déclaré auprès des boutiques de droit ou de la police.

QUESTIONS SENSIBLES ET SUJETS TABOUS

Sans faire une anthropologie du corps ou rentrer dans la littérature de ce qui est appelé « habillement décent » et son lot de débat sociétale, sans tenter de situer la responsabilité entre violeur et violé(e), sans aborder la portée psychiquement structurante des interdits ou parler des questions de déviance, sans psychologiser sur les troubles du comportement, ou le vécu social des victimes de viol ou d’ agression sexuelle …, l’analyse scientifique et rationnelle voudrait que l’on se départisse (très rapidement d’ailleurs) de tout argument infantile et bestiale voulant faire de l’habillement une raison du viol.
Au-delà, il faut peut-être oser aborder la lancinante dimension sociale des problèmes d’attouchement, de voyeurisme (viols à distance), de harcèlement sexuel (viol verbal), de sexisme au travail, à l’école, au sommet de l’Etat et de ses démembrements (viol idéologique).
Par conséquent, il convient de se poser les questions suivantes :
- Combien de cas d’attouchement ou de viols sont timidement enterrés dans différentes sphères de notre vie sociale (familles, Daaras ou écoles, hôpitaux ou cliniques, prisons…) ? Quid des attouchements dans les salons, bus, foules…,
- Que faire des « tontons say-say », de l’inceste, du viol au sein du couple ?
- Qui en parle ? Qui ose dénoncer ? Moi, toi, lui, elle, eux ou nous tous ?
- De manière symbolique, le voyeurisme, le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles ou violences conjugales, le sexisme… ne sont-ils pas des formes de viol qui se font quotidiennement au su et au vu de tous ? « Boulko yérim waay ». Diantre !
- Et de la parité, au sein des instances électives (partis politiques, gouvernement et autres sphères décisionnaires), qu’en faisons-nous ? De simples slogans ou leitmotivs de campagnes électorale ? Sexisme quand tu nous tiens ! Bonjour « tonton maslahaa » !
- Notre conscience collective est-elle macho ou sexiste ?
Pauvre de nous qui croyions que la femme n’est plus objet !
Oh temps, suspend ton vol ! On vole même nos enfants !

Somme toute, convenons avec Mme Christiane Taubira qu’on doit aussi arrêter de dire "une personne s'est fait violée. Une personne est violée, mais ne se fait pas violer ". Une personne violé reste toujours une Victime, quelques soit les raisons.
A l’heure actuelle, étape décisif de la monté en puissance du mouvement « Balance ton porc », nécessité exige que sortir de ce brouhaha puéril, de cette guerre sentimentale et émotionnelle consistant à exiger un mea culpa del profesor, à vouloir pardonner ou pas...
De cette manière, nous réussirons l’occasion d’en tirer les leçons permettant de mieux avancer lentement mais sûrement avec cet esprit fixé sur les défis existentiels pour la femme de mon pays et pour notre émergence.

​​ Oumar samba NIANG
Sociologue-intervenant social

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