Mandina Mankagne: 20 ans après la mort de 25 soldats sénégalais tués par des combattants du Mfdc

21 - Août - 2017

Ce samedi 19 août courant marquait le 20e anniversaire des évènements de Mandina Mankagne qui avaient eu lieu le 19 août 1997. Une date qui restera gravée à jamais dans l’esprit des populations de la bourgade, située à environ un kilomètre à l’entrée sud de la ville de Ziguinchor. En fait, ce jour-là, le calme et la joie qui régnaient dans ce beau village qui rappelle étrangement l’Afrique centrale, à cause de sa verdure luxuriante et ses arbres centenaires, ont été brusquement rompus par des tirs d’obus et le crépitement d’armes automatiques qui vont durer toute la journée et une bonne partie de la soirée. Evènements qui avaient été provoqués par une attaque d’une unité spéciale de l’armée sénégalaise qui voulait, dit-on, chasser des combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) qui étaient présents sur les lieux. Cette mission commando, avait, malheureusement mal tournée. Les indépendantistes auraient été informés de cette attaque et avaient donc pris le soin de tendre des embuscades tout autour, avait-on indiqué quelques jours après les évènements. Et c’est dans une de ces embuscades que tomberont les soldats qui perdront 25 de leurs éléments au cours de l’opération.
Les rares habitants de Mandina Mankagne qui acceptent de revenir encore sur cette journée noire, racontent qu’ils n’oublieront jamais ce jour de leur vie. En fait, notent-ils, leur village avaient vécu une journée de guerre ce 19 août 1997, tellement il y avait eu de tirs d’obus et d’armes automatiques qui ont troublé toute la zone frontalière avec la Guinée-Bissau, située à moins de 20 kilomètres de là.
‘’On n’osait pas sortir, c’est seulement par les fenêtres qu’on observait ce qui se passait au dehors où on apercevait des chars de l’armée faufilaient entre les grands arbres dans des nuages de fumée qui rendaient la vie impossible. On vivait étouffés à l’intérieur et chaque tir d’obus menaçait de faire écrouler nos maisons et les balles de fusils automatiques parfois tombaient sur nos toits ou transperçaient nos murs. Tout le monde était terré sous les lits et respiraient de façon entrecoupée à cause de la grande peur qui nous envahissait. Des ambulances ramassaient des blessés et des corps partout. C’est vraiment par miracle que des vivants sont sortis de Mandina Mankagne, ce jour-là’’, témoigne un habitant de la localité qui souligne que ses cohabitants qui s’étaient déjà aux champs avant le déclenchement des hostilités avaient fui vers la Guinée-Bissau avec les risques d’être confondus avec les rebelles par les nombreuses patrouilles de l’armée, présentes un peu partout dans la zone.
Ces évènements avaient le tour du monde, faisant la une de toute la presse internationale qui s’était braquée sur la Casamance pour essayer d’expliquer comment ce revers est arrivé. Les autorités sénégalaises de l’époque avaient peu communiquer sur ces évènements, mais tout le monde était unanime quant à la situation de crise qui s’était installée et qui nécessitait donc une intervention rapide pour trouver une solution.
Les sérères, à travers le CISPAC (comité d’initiative sérère pour la paix en Casamance), qui avaient déjà joué un important rôle dans la réconciliation de l’abbé Diamacoune Senghor et Sidy Badji, les deux principaux responsables du Mfdc qui étaient à couteaux tirés depuis des années, avaient repris leur bâton de pèlerin pour tenter de décrisper la situation, avec comme arme le cousinage à plaisanterie qui lie leur ethnie et les diolas. Ils avaient notamment dépêché une mission dans le maquis en vue de convaincre Salif Sadio d’opter pour le dialogue. Le comité clérical de Ziguinchor et d’autres bonnes volontés avaient aussi initié des actions. Ces différentes initiatives avaient permis de ramener l’accalmie dans la région jusqu’en 1998.
Les soldats tombés au front lors de l’opération de Mandina Mankagne avaient été enterrés au cimetière mixte de Santhiaba, non loin du stade Aline Sithôé de Ziguinchor, où reposent ensemble musulmans et chrétiens.
Pour ceux qui ne savent pas, Mandina Mankagne c’est aussi le lieu où avait été préparé la première grande attaque, armée du 18 décembre 1983 qui marque le début du conflit armé en Casamance. C’est ici que le sergent Aliou Badji (un ancien de l’armée sénégalaise) qui avait conduit cette attaque avait rassemblé ses troupes à la veille de l’envahissement de la ville. Et après l’attaque, c’est également ici qu’ils replieront sous le commandement, cette fois-ci, de Sidy Badji (un vétéran de la guerre d’Algérie) qui avait pris le relais suite à la mort du sergent Aliou Badji, tué lors des affrontements. Et de là, ils traverseront la route qui va en Guinée-Bissau pour s’engouffrer dans la forêt des Bayottes pour créer leurs premières bases.
Grâce au feu colonel Georges Boissy dont le camp militaire de Ziguinchor porte le nom, originaire de la localité et l’actuel chef de village Richard Badiette, la vie a repris aujourd’hui à Mandina Mankagne, une bonne partie des populations qui avaient fui est de retour, mais les impactes de ces évènements y sont toujours visibles sur les arbres et sur certains édifices qui ont résisté à l’usure du temps. Beaucoup de maisons qui avaient été détruites ont été reconstruites avec l’appui d’organisations caritatives et les activités économiques ont repris dans tout le village. Des périmètres maraichers sont visibles tout autour du village comme pour chasser les démons de la résignation. Une coopérative y a été créée pour gérer les richesses de la nature et notamment l’anacarde et les mangues, produites en surabondance ici.
Un groupement de femmes du nom de ‘’Jiyoto di Malegene’’ y a même construit une unité de transformation de fruits qui est à même temps un centre de formation et de perfectionnement. Ce centre est fréquenté par des femmes de tous les horizons de la Casamance et au-delà en quête de formation. Des élèves des écoles de formation tel le lycée agricole Emile Badiane de Bignona s’y bousculent aussi pour des stages.
Le village est devenu également l’objet de toutes les convoitises à cause du foncier. Et c’est cette question qu’il faudrait gérer avec beaucoup de tact. En fait des lobbies utilisent aujourd’hui leurs gros moyens pour tenter de prendre les parcelles qui abritent des vergers de pauvres gens qui ont bravé, durant des années, l’insécurité pour y planter des arbres (orangers, mandariniers, goyaviers, anacardiers,… ) pour construire des logements. Constitués en un collectif, ces propriétaires de vergers qui ont occupé ces champs suite à un arrêté du gouverneur militaire le général Abdoulaye Dieng qui avait demandé les populations de mener des activités agricoles tout autour de Ziguinchor pour sécuriser la ville, ont organisé plusieurs manifestations pour défendre leurs biens, mais jusque-là il n’y a eu aucune réaction de la part des destinataires de leurs messages. Et aujourd’hui, il y a un feu qui couve sous les cendres. Il urge donc pour les autorités compétentes de prendre des mesures de sauvegarde pour éviter que cette question du foncier qui est l’un des éléments déclencheurs du conflit casamançais ne vienne replonger, à nouveau, Mandina Mankagne et toutes les localités environnantes dans de nouveaux cycles de conflits qui vont embraser toute la Casamance.
Mamadou Alpha Diallo

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