LA COMMANDE PUBLIQUE : UN PILIER ECONOMIQUE SOUS HAUTE SURVEILLANCE (PAR MOHAMADOU TIDIANE DIOP)
La commande publique n’est pas un simple mécanisme administratif ; elle constitue un véritable levier de développement économique, permettant au secteur privé national comme international de collaborer avec l’État. Elle représente un espace stratégique où se rencontrent la puissance publique et l’initiative privée, avec des enjeux financiers considérables.
Or, certains discours récents, portés par les plus hautes autorités, tendent à faire croire que la commande publique serait un terrain vierge, un espace livré à la surfacturation et aux abus, faute de règles. Cette affirmation est non seulement erronée, mais dangereuse. Car notre pays dispose bel et bien d’un arsenal juridique et institutionnel solide qui encadre minutieusement chaque étape du processus.
En effet, la Direction centrale des marchés publics (DCMP) veille à la planification annuelle des passations de marchés pour les ministères, directions, agences, hôpitaux et autres structures publiques. Chaque entité doit établir un plan de passation des marchés validé par la DCMP, sauf en cas de dérogations liées à des circonstances exceptionnelles, comme ce fut le cas avec la pandémie de la Covid-19. En parallèle, l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMTP) assure un contrôle indépendant et a posteriori, garantissant la transparence et sanctionnant les irrégularités.
Les textes encadrant ce processus ont été élaborés par des experts du ministère des Finances, du Trésor, des Impôts, des Douanes, mais aussi par des ingénieurs en génie civil, puis adoptés par le Parlement. Ils forment le socle juridique qui régit la commande publique dans le strict respect de la transparence et de la bonne gouvernance. De l’appel d’offres au dépouillement, de l’adjudication à la livraison des biens ou des travaux, tout est normé, balisé et contrôlé.
Mieux encore, tous les contrats d’envergure, souvent chiffrés en milliards, sont suivis comme du lait sur le feu par le Président de la République et le Premier ministre. Ils disposent des prérogatives nécessaires pour vérifier la conformité et l’application des textes. Il existe également des barèmes de prix établis pour les fournitures informatiques, le mobilier de bureau, les produits d’entretien ou les consommables administratifs. Dans le domaine du BTP, des ingénieurs de haut niveau, issus de l’École polytechnique et de grandes écoles françaises ou marocaines, ont fixé des standards de coûts pour les infrastructures majeures – routes, autoroutes, ponts, autoponts et autres grands ouvrages.
Dès lors, poser l’équation de la surfacturation comme une conséquence de l’absence de règles, c’est non seulement travestir la réalité, mais c’est aussi fragiliser la confiance entre l’administration et les citoyens. Le problème n’est pas l’absence de textes, mais bien leur application. C’est là que réside le défi : l’exigence d’une volonté politique ferme, d’une transparence réelle et d’un respect sans faille du droit.
Il faut donc éviter de frustrer les agents de l’administration, dont le travail repose sur ce corpus juridique qui structure nos institutions. Vider ces dernières de leurs textes constitutifs, ou laisser entendre qu’ils seraient inefficaces, c’est porter une atteinte grave au principe d’égalité, qui demeure le socle de l’éthique, de l’équité et de la bonne gouvernance.
Le véritable combat ne consiste pas à jeter le discrédit sur les lois existantes, mais à les appliquer sans faiblesse et sans complaisance. Car la République ne peut prospérer dans la suspicion permanente : elle se renforce par la clarté des règles et par le courage politique de les faire respecter.
Mohamadou Tidiane Diop
Membre du bureau politique du parti ACT