Renouvellement et transfert de titres miniers : le rapport 2021- 2024 de l'ITIE révèle de graves "manquements" notamment des chiffres qui contrastent avec la réalité
Une étude menée par l'initiative du Comité National de l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (CN-ITIE) a mis en lumière de graves manquements et d'importantes incohérences dans la gestion de l'octroi, du renouvellement et du transfert des titres miniers et autorisations d'exploitation de carrières privées permanentes (Aecpp) sur la période 2021-2024. Le rapport qui couvre la période du 1er janvier 2021 au 30 juin 2024 a révélé des écarts massifs entre les chiffres publiés par l'ITIE et les archives officielles de la Direction du Cadastre Minier, soulevant des questions sérieuses sur la transparence et la légalité de nombreuses opérations.
En effet, le total desdites opérations dans les rapports d'ITIE se cumule à 162 opérations alors que les dossiers communiqués par le bureau des archives de la direction du cadastre minier estiment le nombre à 443 opérations. Ces écarts sont plus prononcés dans les opérations touchant aux autorisations d'exploitation de carrière privée permanente. Par exemple sur la période 2022, le rapport ITIE a déclaré qu'aucune autorisation d'exploitation de carrière privée permanente n’a été octroyée. Or, il est ressorti des dossiers communiqués par le bureau des archives que 72 autorisations d'exploitation de carrière privée permanente ont été octroyées sur l'année 2022.
Par ailleurs, la vérification des dossiers de transferts d'autorisations d'ouverture et d'exploitation de carrières privées permanente (Aecpp) a suscité de nombreuses interrogations. La première porte sur l'opportunité et la légalité de la pratique consistant à combiner les opérations de renouvellement et de transfert dans un même arrêté.
Dans le secteur minier, 95,42% des dossiers analysés présentent des manquements susceptibles de mettre en doute la régularité des opérations d’octroi, de transfert ou de renouvellement des titres miniers sur la période 2021-2024.
Les manquements les plus fréquents cités dans le document sont : " l’insuffisance de renseignement de la personne morale tel qu’exigé par l’article 4 du décret d’application (NINEA, comptes de résultats, quitus fiscal, rapport) ; l’absence de délivrance d’accusé de réception, copie de la lettre de recevabilité, PV de reconnaissance, avis du ministre ; l’absence de présentation des travaux et méthodes de recherche envisagés ; l’absence de quitus fiscal et de comptes de résultats et le bilan des trois (03) derniers exercices pour certains types de titres; l’absence d’informations sur les capacités techniques et financières avec des références détaillées jointes au dossier ; le non-paiement des droits fixes et de la redevance superficiaire ; l’absence d’évaluation environnementale pour certaines catégories de titres (petite mine, autorisation d’exploitation semi mécanisée) ; l’absence de cahier de charge annexé à l’autorisation notamment pour les AEPM et les AECPP (Presque 100% des dossiers analysés)."
L'équipe de recherche a relevé des cas où des opérations de renouvellement et de transfert ont été combinées dans un seul arrêté. C'est le cas de l'arrêté n°002081 du 02 février 2022 portant renouvellement et transfert de l'autorisation d'ouverture et d'exportation de carrière privée permanente de basalte de la société Sénégalaise d'exploitation de carrières (Sosecar) Sa, sur une superficie de 03ha27a4gca à Diack (région de Thiès) à la Compagnie générale d'exploitation de carrières (Cogeca) Sa.
Si cette pratique peut avoir des explications en interne, elle suscite néanmoins des interrogations sur son caractère légal en ce que les deux opérations sont clairement distinguées dans le code minier. Cette préoccupation est d'autant plus pertinente que cette pratique questionne le sort des droits (droits fixes et redevance superficiaire) devant être payés. En effet, le renouvellement et le transfert étant des opérations clairement distinctes, donnent lieu au paiement de droits fixes d'entrée conformément aux dispositions de l'article 74 du code minier.
Selon cet article, toute opération de renouvellement ou de transfert donne lieu au paiement de droits fixes d'entrée. Pourtant, dans la pratique administrative, la quittance jointe à l'arrêté n'002704 du 14 février 2022-p ortant re nouvellement et transfert de l'autorisation détenue par So secar Sa au profit de Cogeca Sa ne mentionne que les droits relatifs au renouvellement, d'un montant de 2500 000 Fcfa. Le paiement des droits de transfert semble n'avoir été écarté, laissant présager une perte de recette fiscale, a révèle l'étude.
Ainsi, en combinant ces deux opérations, les droits fixes qui auraient dû être distinctement payés pour ces deux opérations, ne sont payés qu'une fois générant une perte potentielle de recettes. 95,42% des dossiers analysés présentent des manquements susceptibles de mettre en doute la régularité des opérations. Le second problème soulevé par cette pratique est la difficulté de classement de l'opération.
D'autres constats ont attiré l'attention de l'équipe de recherche sur cette catégorie d'opération notamment l'absence de preuve de transmission au ministre chargé des Mines de tout contrat ou accord par lequel le titulaire du titre d'Aecpp confie, cède ou transmet, partiellement ou totale ment, les droits et obligations résultant dudit titre minier, tel qu'il découle de l'article 67 du code minier un renouvellement intervenu bien après l'expiration de la durée de validation du permis alors que la loi exige l'introduction de la demande de renouvellement au moins un mois avant l'expiration du délai. Cela semble être le cas de l'Arrêté n°002081 du 2 février 2022 portant renouvellement et transfert de l'autorisation d'exploitation de la carrière de basalte de la Sose car Sa et Cogeca Sa.
C'est paradoxalement dans cet arrêté qu'on peut trouver les bribes d'un renouvellement, en son article 9 disposant que l'autorisation est valable pour cinq ans, renouvelable plusieurs fois. Globalement, dans le secteur minier, 95,42% des dossiers analysés présentent des manquements susceptibles de mettre en doute la régularité des opérations d'octroi, de transfert ou de renouvellement des titres miniers sur la période 2021-2024.
Les manquements les plus fréquents sont : l'insuffisance de renseignement de la personne morale tel qu'exigé par l'article 4 du décret d'application (Ninea, comptes de résultats, quitus fiscal, rapport); l'absence de délivrance d'accusé de réception, copie de la lettre de recevabilité, Pv de reconnaissance, avis du ministre; l'absence de présentation des travaux et méthodes de recherche envisagés; l'absence de quitus fiscal et de comptes de résultats et le bilan des trois (03) derniers exercices pour certains types de titres.