La baisse du niveau >des élèves au Sénégal : Mythe ou Réalité ? (Par Djibril Sané )
Hommage à ma maman, qui malgré l’analphabétisme, m’a transmis la plume éducative, technologique, sociale et culturelle pour écrire ces lignes.
Aujourd'hui, à l'anniversaire 1 du départ de ma chére maman, je mesure l'héritage silencieux qu’elle m’a laissé. Elle n’a jamais su lire ni écrire, mais c’est par son courage, sa sagesse, son dévouement à la cause éducative et son engagement quotidien qu’elle m’a appris à observer le monde avec lucidité et engagement. C’est grâce à cette force que je peux prendre mon clavier pour contribuer aux débats éducatifs du Sénégal et de l’Afrique.
1.Un débat récurrent mais peu documenté
́<ce n’est pas le niveau des élèves qui a baissé, c’est l’école qui s’est ouverte à tous. Le vrai défi est de: Mesurer, comprendre et relever le niveau d’Aujourd'hui >
Au Sénégal, il est fréquent d’entendre que le <niveau des élèves a baissé > par rapport à ceux des années 1960- 1970 voir 1980. Cette affirmation, très présente dans les médias, dans certains cercles éducatifs et les discussions sociales, repose surtout sur des perceptions et des comparaisons anecdotiques.
Or, aucune base scientifique solide ne permet à ce jour de confirmer ou d’infirmer une baisse historique du niveau des élèves, faute de référentiel commun entre les générations.
2.L’absence de référentiel historique fiable
Dans les années 1960-1970-1980:
■ il n’existait pas de tests standardisés ni de données nationales sur les acquis scolaires.
■Les performances des élèves étaient évaluées via les examens (CEPE, Entrée en Sixième, BEPC, BAC), très sélectifs, avec un système éducatif élitiste accueillant une minorité d’enfants.
■La réussite reflétait autant la sélection sociale que la qualité des apprentissages.
Aujourd'hui :
●Le système éducatif est massifié et démocratisé : plus de 90% des enfants sont scolarisés à l’école primaire.
●Cette inclusion massive entraîne une plus grande hetérogénéité des résultats, ce qui donne l’impression d’une baisse de niveau moyen.
3.Ce que disent les données actuelles
■ Le Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN 2019 (PASEC): environ 60% des élèves n’atteignent pas le niveau <suffisant> en lecture et en mathématiques.
■ Rapports nationaux (MEN, RESEN): confirment des faiblesses dans les acquis de base, sans base comparative avec les générations passées
Ces constats indiquent un niveau préoccupant aujourd'hui, mais pas une baisse mesurée dans le temps, faute de données anciennes.
4. Pour objectiver le débat
Pour passer du ressenti à l’analyse scientifique, il est nécessaire de:
●Mettre en place un référentiel national des acquis scolaires pour chaque cycle.
●Réaliser des évaluations ŕeguliéres et comparables dans le temps.
●Documenter les performances des cohortes pour suivre leur évolution sur plusieurs années
Conclusion
La nostalgie des années 1960-1970-1980 ne suffit pas à conclure à une <baisse du niveau >
■Nous pouvons constater un faible niveau actuel selon les évaluations internationales (PASEC en attendant celles de 2024 qui sont en cours et qui mobilisent plus de 660 000 répondants d’une vingtaine de pays).
●Mais nous ne pouvons pas scientifiquement prouver une baisse historique, faute de référentiel de comparaison
Pour sortir du débat subjectif, le Sénégal doit se doter d’outils de mesure continus afin d’objectiver la qualité des apprentissages et d’orienter les réformes éducatives (la refondation curriculaire doit s’inscrire dans cette dynamique)
A toi maman, dont le silence m’a appris à écouter, et dont l’analphabétisme n’a jamais été un frein pour me transmettre la force d’apprendre et de partager
Djibril SANE
Référent Senior du Bureau International d’Éducation de l’UNESCO basé à Genève
Vice Président en charge de l’Éducation et de la Formation de la Boîte à Innovations Canada