ASILE ET IMMIGRATION : UN PROJET DE LOI QUI FAIT DES VAGUES

21 - Février - 2018

« Équilibré » pour Gérard Collomb, le texte est jugé trop répressif par les associations et « laxiste » par la droite et le Front national.

Gérard Collomb présente ce mercredi en conseil des ministres son projet de loi sur l'asile et l'immigration. Le texte, construit dans une logique de fermeté, est très critiqué par les associations et fait des vagues jusque dans la majorité. Il est pourtant défendu par le ministre de l'Intérieur comme un texte « équilibré ». Le « projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif » vise notamment à réduire les délais d'instruction de la demande d'asile et à faciliter la reconduite à la frontière pour les déboutés. Il lance quelques pistes sur le séjour des personnes admises sur le territoire.
Ce texte « s'inscrit dans le cadre plus large de notre politique d'immigration et d'asile », qui « repose sur deux principes, humanité et efficacité », a affirmé lundi Édouard Philippe. Pour mettre l'accent sur le côté « humaniste », le Premier ministre a reçu en grande pompe ce jour-là un rapport sur l'intégration des étrangers aux mesures ambitieuses, dont il a promis que « les grands axes » seraient repris par le gouvernement.

Des délais intenables, selon les professionnels

Mais c'est surtout la « fermeté » affichée dans le projet de loi qui a focalisé l'attention ces dernières semaines. L'une des mesures phares, visant à faciliter les expulsions, est le doublement de la durée maximale de rétention à quatre-vingt-dix jours (voire cent trente-cinq en cas d'obstruction), ce qui rapprocherait la France de la moyenne européenne. « Le problème principal tient à notre législation qui, par rapport aux législations européennes, est beaucoup plus favorable », explique Gérard Collomb. Une explication que récusent les associations. « La durée de rétention influe très peu sur les mesures exécutées », assure David Rohi, de la Cimade.
D'autres mesures sont critiquées, particulièrement la réduction des délais de la procédure d'asile : pour déposer une demande, le délai passerait de cent vingt à quatre-vingt-dix jours. Une mesure « aberrante » pour Johan Ankri, responsable syndical à l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). « Comment voulez-vous en quinze jours convoquer un demandeur d'asile, lui faire passer un entretien, faire des recherches complémentaires sur son dossier, vérifier ses dires, prendre une décision et notifier sa décision ? » s'insurge-t-il sur Info Migrants
Les délais de recours en cas de rejet de la demande d'asile sont, eux, diminués de moitié et passent d'un mois à quinze jours. « Pour constituer un dossier, le requérant doit pouvoir se préparer, se rapprocher de son avocat, récupérer des pièces, où qu'elles soient, les faire traduire par un interprète certifié... Il faut du temps. Et quinze jours, c'est vraiment trop court », explique au HuffPost Suzy Balourd, secrétaire d'audience et secrétaire générale de la CGT à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). « La conséquence, c'est simplement qu'ils ne pourront pas du tout faire de recours. »
Inquiets, les professionnels de l'Ofpra sont d'ailleurs en grève, un mouvement inédit depuis cinq ans, tout comme les juristes de la CNDA. Un rassemblement est prévu à 11 heures devant le Conseil d'État.
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« De petits ajustements technocratiques » (Guillaume Larrivé)

Il s'agit d'un texte « profondément déséquilibré » pour France terre d'asile, où transparaît une « volonté de dissuasion » et « de tri » pour la Ligue des droits de l'homme, qui se traduirait par un « très net recul des droits » pour la Cimade, qui demande son retrait. Plusieurs acteurs de l'asile seront en grève mercredi : l'Ofpra , qui n'avait pas connu un tel mouvement depuis cinq ans, mais aussi la CNDA, qui entamera son neuvième jour de grève. Un rassemblement est prévu à 11 heures devant le Conseil d'État.
À l'inverse, Les Républicains (LR) se disent « très inquiets du laxisme du gouvernement face au défi migratoire ». Le projet de loi est fait de « petits ajustements technocratiques » mais ne prévoit pas « la transformation nécessaire de la politique d'immigration », a affirmé, mardi sur RFI, le député Guillaume Larrivé. La « subversion migratoire est en marche, et ce projet de loi vient aider », a estimé sur LCP Sébastien Chenu, porte-parole du Front national, en parlant d'un « grand déclassement » des Français.
Remous dans la majorité

Ce texte arrive après la loi sur le droit des étrangers (en 2016), qui instaurait notamment un titre de séjour pluriannuel, et la réforme du système d'asile (en 2015), mais qui s'est vite trouvée sous-calibrée avec la crise migratoire. Il y a eu 100 000 demandes d'asile en France l'an dernier.
Le projet de loi sera présenté dans un climat où les esprits sont déjà échauffés par la « circulaire Collomb » sur le recensement des migrants dans l'hébergement d'urgence, que le Conseil d'État a refusé de suspendre mardi. Le mécontentement, d'abord cantonné aux défenseurs des étrangers, a depuis gagné les milieux intellectuels, et jusqu'à certains proches d'Emmanuel Macron, alors qu'une partie des députés En marche ! s'interrogent sur la logique répressive du texte.
Lâchant du lest, le gouvernement a déjà renoncé à la notion de « pays tiers sûr » (un pays de transit où les demandeurs auraient pu être renvoyés). Mais les discussions s'annoncent serrées pour amender le texte, avant les débats parlementaires en mars-avril. La ministre Jacqueline Gourault a prévenu la semaine dernière : les chances que les dispositions du projet de loi soient adoptées avant le 30 juin sont « maigres ».

 

Lepoint avec afp

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