Dimension du Gouvernement : entre fétichismes et réalités ! (Par Malick Sonko)

15 - Septembre - 2017

Le dernier remaniement ministériel continue de soulever un déferlement de passions contradictoires. On reproche au Président Macky SALL et à son Premier Ministre Boune Abdallah DIONE d’avoir nommé une pléthore de ministres inutiles et budgétivores. Ceux qui avancent cette thèse ne donnent, malheureusement, aucun argument plausible pour étayer leurs allégations.

Les pourfendeurs de l’option présidentielle se fondent généralement sur le fétichisme du chiffre 25 que rien ne semble justifier. On demande au Président Macky SALL de tordre le coup à la réalité pour la conformer à une équipe de 25 à 30 ministres. Ainsi donc ; la solution nous est imposée avant même que le problème ne soit posé !

Une anecdote.

Sous François Hollande, une rencontre franco-allemande avait été envisagée. Tous les ministres des deux pays y étaient conviés. Selon le format de la rencontre, chaque ministre devait être en face de son vis-à-vis. Hélas, la moitié des ministres français n’ont pu prendre part à ladite rencontre car, à cette époque, la France avait 38 ministres au moment où l’Allemagne n’en comptait que 19.

Peut-on en conclure, sur cette seule base, que l’Allemagne était, à cette époque, en 2013, mieux gérée que la France, surtout si l’on sait que la même année, elle perdait son triple A auprès des agences de notation du fait de la morosité de son commerce extérieur et de son industrie ?

Avons-nous le droit, à contrario, de conclure que la France était mieux gouvernée que l’Allemagne, tout simplement parce qu’elle avait le double de ministres de l’autre ?

A l’évidence, le nombre de ministres, loin d’être un critère de performance ou un frein au développement d’une nation, relève plutôt de choix politiques que surdétermine la recherche d’un équilibre fondé sur un ensemble complexe de facteurs politiques, sociétaux, économiques, géographiques, culturels, cultuels, etc.

Prenons le cas du Ministère des Mines, de l’Industrie, et des PME, créé en 2012, dans le cadre d’un gouvernement restreint, en réponse au fétichisme du nombre de 25 ministres préconisés par les Assises nationales.

La question de la baisse des denrées de première nécessité était si préoccupante que le ministère avait fait focus sur cette question au détriment des autres aspects.
Toutes les autres Directions en avaient ressenti le contrecoup.

Le Ministère de l’Education nationale, sous WADE, a eu à gérer à la fois, l’enseignement général, l’enseignement technique, la formation professionnelle, l’alphabétisation et les langues nationales.

Mais, des Ministères délégués avaient été créés pour segmenter et différencier les problèmes.

Sous l’emprise du fétichisme du nombre 25, le Président Macky SALL prend le Pouvoir en 2012 et va, dans un premier temps, dans le sens de la thèse de la concentration.

Au début de son mandat en 2012, le premier Gouvernement formé obéissait à cette norme de 25 ministres, issue des recommandations des Assises.

Mais, l’Administration, telle un pachyderme à la locomotion disgracieuse, peinait à trouver ses marques.

A deux ans des prochaines présidentielles, si Macky SALL veut parachever ses chantiers, il n’avait pas d’autres choix que de segmenter au maximum la matière pour mieux en contrôler le traitement.

Chaque ministre se voit ainsi confier une portion raisonnable du problème à résoudre, avec des objectifs précis, dans les délais impartis, avec des moyens proportionnels à la masse budgétaire redistribuée.

C’est le prix à payer pour présenter le meilleur bilan possible aux sénégalais.

Le ministre n’est rien d’autres qu’une Personnalité publique qui a bénéficié de la confiance du Chef de l’Etat pour superviser, (ré)orienter, coordonner et diriger un ensemble d’institutions et/ou de services étatiques placés sous sa responsabilité. Ces services, au-delà de leur cohérence ou de leur complémentarité, constituent les différentes articulations d’un même questionnement : santé, éducation économie, etc.

Or, à ces questionnements, il faut trouver des réponses à la fois ponctuelles et structurelles, pour améliorer le vécu des populations.

Quand on a un grand problème à résoudre, il est d’usage de le segmenter en de menus petits problèmes.

Dans un pays comme le nôtre, où tout est prioritaire, on peut valablement opter, non pas pour une concentration congrue, mais, pour une segmentation affinée, afin de donner la chance, à chacun de ces problèmes à résoudre, avoir l’attention requise pour une solution approfondie et durable.

Pourtant on aurait pu rétorquer aux « Wadistes » invétérés que leur mentor n’a jamais pu contenir le nombre de ministres dans les proportions recommandées, quand il était au Pouvoir.

Avec lui, il fallait segmenter en profondeur la matière de façon que chaque ministre puisse atteindre des objectifs précis dans des délais assez courts. Et, chaque fois qu’il sentait des lourdeurs, il n’hésitait pas à changer les hommes ou à reconfigurer le dispositif.

Dans les pays du Nord, où les traditions administratives sont éprouvées depuis le 19ème siècle, où les automatismes administratifs et les dispositifs de contrôle sont incrustés à jamais dans les pratiques, on n’a pas besoin de beaucoup de ministères pour faire tourner la machine étatique. A la limite, même sans ministre, la mécanique se déroulerait toute seule.

Examinons maintenant la question sous l’angle budgétaire puisque le nombre restreint de ministres est souvent présenté, par les tenants de la théorie de la concentration, comme un critère de Bonne gouvernance ou de sobriété dans la gestion des affaires publiques.

Ce qu’il faut savoir, c’est que quel que soit le nombre de ministres, 15, 25, 35, 45, etc., ce sont exactement les mêmes services de l’Etat et les mêmes Personnels de l’Administration et la même masse budgétaire qui sont répartis entre les différents ministères, sauf si il y a de nouvelles créations que justifient l’évolution ou la prise en compte de nouveaux paradigmes (cas du pétrole).

Il faut également retenir que le ministre ne nomme directement, par arrêté, que les membres de son Cabinet politique avec lesquels il prend et perd fonction (Directeur de cabinet, Chef de Cabinet, Attaché de Cabinet, Conseiller Technique n°1, n°2, rarement 3 et parfois 4, selon la taille des ministères).

Les autres conseillers techniques, qui ne bénéficient pas de l’indemnité de cabinet, sont généralement des fonctionnaires ou des contractuels maintenus en raison de leurs spécialisations techniques, même si ils peuvent être changés par le Ministre, mais ils restent et demeurent des membres du Personnel du ministère.

Les membres du cabinet ministériel ont une indemnité de cabinet, s’ils sont fonctionnaires, et un contrat modulé en fonction de leurs diplômes, s’ils sont des contractuels.

Les indemnités attachées aux fonctions de cabinet sont si symboliques (en dehors de celle du Directeur de cabinet qui est acceptable) que la pudeur ne me permet pas de les évoquer ici.

Même si chaque ministre prenait fonction avec une dizaine de collaborateurs, parfois déjà fonctionnaires, que représente alors le nombre de ministres dans un budget qui se chiffre à plus de 3 000 milliards.

Arrêtons !

Si j’étais un opposant, je n’userais jamais d’un argument aussi ténu pour jeter l’opprobre chez l’adversaire.

Plus le nombre de ministres est élevé, plus grande est la spécialisation, plus rapides sont les mécanismes de prise de décision ; plus grande sera donc l'efficacité et l'efficience de la politique du gouvernement.

Quant à la quarantaine de Ministres d’Etat et Ministres Conseillers, Conseillers Spéciaux rattachés au Président de la République, ils font le même travail que les Conseillers Techniques. En dehors de la préséance protocolaire attachée à leur fonction, ils sont juste un peu mieux rémunérés en raison de leur expertise particulière ou des positions antérieures qu’ils ont quittées pour venir servir auprès du Chef de l’Etat.

A l’image des pays du Nord qui comptent, en général, un nombre de ministres variant entre 12 et 30, il arrivera un moment où, les automatismes de l’Administration, les habitudes et les bonnes pratiques seront si bien maîtrisés que l’Administration aura tendance à se diriger elle-même, sans trop de Ministres. Les structures intermédiaires comme les Directions auront une plus grande autonomie de décisions et certains actes n’auront même pas à attendre la signature du Ministre pour être validés car des dispositifs de contrôle en amont et en aval auront été mis en place pour parer à toute dérive ou excès.

C’est un processus qui est l’aboutissement de près de trois siècles de gouvernance pour les pays du Nord et qui en cours dans les pays du Sud qui n’ont accédé à l’Indépendance que dans les années 60.

Telle est ma modeste conviction.

Malick SONKO, ancien CT1, ancien CTPR, ancien SG et ancien PCA

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